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tigner ; d’ailleurs le sol est déja fatigué par la récolte du grain qu’il vient de produire ; le bon agronome ne se contentera pas de ces labours légers que la coutume & la négligence justifient ; il choisira sa plus forte charrue, ses meilleurs attelages, & si deux bœufs ne suffisent pas, il en mettra quatre à la même charrue ; alors les sillons seront plus profonds, & les navets sur-tout pivoteront à leur aise & ne sortiront plus à moitié de terre quand ils trouveront un sol bien défoncé. Aussitôt après chaque labour, des femmes, des enfans, armés de maillets de bois à long manche, briseront exactement les mottes & ameubliront la terre autant qu’il sera en leur pouvoir. Ensuite le champ sera hersë grossièrement & la graine semée à la volée : comme elle n’est pas bien grosse on peut la mêler avec du sable ou de la cendre ; mais le bon semeur n’a pas besoin de recourir à ces précautions, il sait la portée de sa main, & l’habitude lui a appris à proportionner la quantité de graine à l’espace qu’il doit couvrir à chaque mouvement demi-circulaire de son bras ; une livre & demie ou deux livres de bonne graine suffisent pour semer l’étendue d’un arpent (consultez ce mot) : avant de semer on herse grossièrement, en sème ensuite, & on herse avec des fagots, ainsi qu’il a été dit.

Dans les pays où l’on se sert habituellement de la bêche, il est beaucoup plus avantageux d’employer cet instrument, parce qu’il retourne complettement le sol sur une profondeur de dix à douze pouces, & ne laisse après lui aucune motte de terre, à moins que le manouvrier par une paresse bien volontaire, ne les divise pas avec le plat de sa bêche. On conçoit avec quelle aisance les raves & les navets travaillent dans un sol ainsi soulevé. On sème aussitôt sans herser préalablement ; mais on redouble les façons de la herse à fagots, aussitôt après, afin que toute la graine soit enfouie.

Lorsque la rave est semée de bonne heure, par exemple à la fin de juin ou au commencement de juillet, elle profite beaucoup plus, soit pour l’abondance des feuilles, soit pour la grosseur des racines, que celle qui est semée en août ; celle-ci n’a pas le temps de grossir, & les plus petites gelées de la fin de l’automne arrêtent son accroissement &, lui nuisent beaucoup, parce que toute la plante est encore trop tendre. Ainsi dans certains climats on ne doit pas attendre que la récolte des froments soit levée, & on y sème après celle des seigles, des avoines ; enfin, si le climat est froid, on sème sur le champ destiné à la jachère. Si après les semailles il survient des pluies, on est assuré que la graine germera, lèvera promptement & prospérera ; si elle est surprise par une longue sécheresse, son produit sera chétif, sur-tout si le climat est naturellement chaud.

J’ai vu un particulier qui faisoit travailler toutes ses ravières à la bêche, & chaque soir semer & râteler la partie du champ qui avoit été semée dans la journée. Par cette méthode, la portion de terre de dessous, que la bêche avoit ramenée à la superficie, se trouvoit assez fraîche pour communiquer son humidité à la graine & l’aider à ger-