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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/70

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peu imprégnées d’air fixe ou méphitique, puisque la décomposition des corps, & la sortie de leur air fixe & inflammatoire, n’a lieu qu’autant que la chaleur aide & précipite leur séparation. Le cadavre d’un animal gelé se conservera des siècles entiers s’il reste toujours gelé. Les nuées pendant l’hiver sont toujours très-basses, parce que le froid de l’atmosphère supérieure les empêche de s’y élever, à moins qu’un vent impétueux ne les contraigne à gagner cette région. De cette proximité de la terre, qui diminue la force de la colonne d’air qui supporte le nuage, & du froid qui le rabaisse & le condense, il suit nécessairement que les pluies sont plus fréquentes l’hiver ; mais comme dans l’atmosphère inférieure elles ne trouvent plus ou presque plus de matières des exhalaisons terrestres, ces pluies ne contiennent plus de principes étrangers, elles sont, pour ainsi dire, de l’eau pure, qui ne contribue à la végétation que comme eau, & rien de plus. Dans cette saison la végétation est presque nulle, parce que la chaleur n’est pas au point qui convient à celle de chaque plante en particulier ; dès-lors l’eau étant sans principes, & la terre sans chaleur, la végétation reste engourdie. Cependant ces pluies sont nécessaires pour rendre à la terre cette masse d’humidité qu’elle a perdue par l’évaporation qui a eu lieu dans les trois autres saisons. Sans elles, comment les racines profondes trouveroient-elles l’eau nécessaire à délayer les principes qui doivent former la séve, & à se les approprier de manière qu’elle ne fasse plus qu’un même corps avec eux. Sans ces pluies abondantes les fontaines seroient bientôt taries, & les rivières & les ruisseaux mis à sec ; sans elles on ne verroit plus ces rosées bienfaisantes qui humectent les feuilles au printemps, leur servent de nourriture, & leur rendent une partie de l’air fixe qu’elles ont transpiré. Pour bien comprendre ceci, il est essentiel que le lecteur ait lu attentivement le dernier chapitre du mot agriculture, & l’article amendement. Si les pluies ne sont pas abondantes pendant l’hiver, on doit, généralement parlant, avoir un été sec, & craindre les orages.

Bientôt les vents du sud, retenus pendant long-temps sur les déserts brûlans de l’Afrique, repoussent ceux du nord jusque dans leurs antres glacés ; à mesure que le soleil s’élève sur l’horizon, à mesure que les rayons lumineux de ce père de la nature perdent de leur obliquité, la nature sort de son engourdissement ; c’est l’instant d’une aurore nouvelle qui annonce le plus beau des jours ; le printemps renaît, les plantes se colorent d’une agréable verdure, & les oiseaux, par leurs chants mélodieux, célèbrent les bienfaits de celui qui leur redonne la vie. Tout corps animal & végétal déjà mort, qui a éprouvé l’action de la gelée, tend plus facilement à se corrompre & à se décomposer que tout autre ; le froid, en glaçant les fluides qu’il contient, a désagrégé ses parties constituantes, il a rompu les cellules qui renfermoient l’air fixe ou lien des corps, & dès que cet air fixe a la liberté de s’échapper lorsqu’il est mis en mouvement par la chaleur, la pourriture gagne d’une manière surprenante ; aussi, dans les pays où les hivers sont longs &