Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/72

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s’annonce par les feux qu’il lance sur la terre ; le ciel devient d’airain dans les provinces méridionales du royaume ; les plantes à racines fibreuses & traçantes se flétrissent ; la terre criblée de crévasses laisse évaporer toute l’humidité de sa superficie, & la végétation des arbres ne fait plus de progrès : heureux sont les végétaux qui, au milieu d’une soif dévorante, ont leurs feuilles humectées par l’évaporation des rivières, des fontaines, ou par les vents qui s’élèvent de la mer. Dans le nord & dans l’intérieur des terres, si la sécheresse est de durée, si la chaleur est forte, les arbres perdent leurs feuilles, tout languit & tout périt, parce que les chaleurs de la nuit ne sont pas tempérées par les rosées qui manquent rarement près du voisinage des eaux. Au midi, les nuages accumulés sur les têtes, augmentent encore la chaleur en la réfléchissant sur la terre ; l’air devient lourd, pesant, le plus léger zéphir n’ose agiter les feuilles. La terre, l’homme, les troupeaux, demandent à grands cris la pluie, & soupirent après un orage. Telle est la position cruelle des provinces du midi, où l’on reste souvent six mois entiers sans voir tomber une seule goutte d’eau. Pendant cet intervalle, la région inférieure de l’atmosphère se charge de toutes les émanations terrestres, qui vicient l’air, & causent la difficulté qu’on éprouve dans la transpiration, la lassitude dans toutes les parties du corps, parce que les poumons sont fatigués. On sait que l’air atmosphérique ne contient ordinairement qu’un tiers d’air pur & deux tiers d’air méphitique ; & dans ce cas, ce dernier est en plus grande abondance.

Les pluies d’été, peu fréquentes, produisent dans un moment le phénomène opéré par la continuité des pluies du printemps, c’est-à-dire, qu’elles purifient l’atmosphère, & rabattent sur la terre les substances qui s’en étaient évaporées. Voilà donc de quoi fournir amplement des matériaux à la séve ; mais comme la végétation avoit été pour ainsi dire suspendue, & que la décomposition & la fermentation (consultez ce mot) n’ont pas lieu sans l’humidité requise, tout se ranime par la pluie. Aussi dit-on que les pluies qui surviennent après qu’on a éprouvé un temps bas, excitent une plus forte végétation que toute autre pluie. C’est à ces émanations repoussées sur la terre, qu’est due l’odeur désagréable que l’on ressent lorsque les premières gouttes de pluie tombent après une longue sécheresse. On dit alors que la pluie sent la terre, & cette première pluie est très-mal saine dans tous les pays où les chaleurs sont vives, fortes & soutenues. Celui qui en est pénétré est presque assuré d’avoir une maladie grave. Si cette pluie avoit les mêmes caractères que celles de l’hiver, on n’auroit pas la même crainte ; mais les circonstances sont si différentes, & l’état de l’atmosphère inférieure, est si opposé qu’on ne doit plus être surpris du contraste dans ses effets. Règle générale, on doit, autant qu’on le peut, ne pas s’exposer à la pluie après une grande sécheresse ; il en est de même pour les animaux.

Les pluies du commencement de l’automne participent un peu de celles