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tion ; nous, au contraire, nous n’avons jamais assez passé nos tiges de chanvre à l’égrageoir pour les défeuiller en tout ou en partie, ce qui montre un défaut d’expérience.

D’après ces remarques, l’on doit voir qu’il en est des plantes rouies, comme de celles du champ, elles ne sont pas toutes dans leur perfection. Il y en a de venues à l’ombre, de trop drues, de trop clair semées, de trop abreuvées d’eau, &c ; ainsi les parties latérales & inférieures ne peuvent pas aussi parfaitement rouir que celles du centre. Le rouisseur intelligent sait très-bien compenser les défauts acquis au champ par les avantages des meilleures places au routoir. Malheureusement il y a très-peu de rouisseurs de profession. Leurs fonctions sont cependant aussi utiles que celles de Magnoniers ou Directeurs des vers à soie. Il en est de cet objet comme de tous autres d’agriculture, chacun prétend en savoir plus que son voisin.

Si je ne me trompe, je crois avoir établi la vraie théorie du rouissage du chanvre, & par conséquent avoir donné la solution du premier problème proposé par la Société.


CHAPITRE II.

Quels sont les meilleurs moyens de perfectionner la pratique du rouissage, soit que l’opération se fasse dans l’eau ou en plein air.

Section Première.

Des soins à prendre des javelles, & de leur arrangement dans le routoir.

Je l’ai déja dit, & on ne sauroit trop le répéter : en fait d’agriculture, il n’est pas possible d’établir à la rigueur une loi générale, & toutes celles en ce genre sont sujettes à de grandes modifications. On voit, sans sortir de l’objet qui nous occupe, que dans le nord du royaume & de l’Europe, le chanvre mûrit peu & végète longuement ; sa fibre est plus foible, quoique plus longue & plus grosse ; au midi, ou au centre du royaume, sa végétation est rapide, la chaleur est forte, la fibre de la teille est plus fine & plus ferme, quoique la plante soit plus courte. Lorsque dans ces lieux, & comme dans quelques cantons d’Italie, par exemple, le sol est convenable, enrichi par des rosées, des brouillards, ou de fréquentes petites pluies, alors le chanvre y est excellent. On doit donc conclure que la longueur du rouissage doit varier suivant le canton & suivant la constitution de l’atmosphère pendant la végétation.

Une autre attention essentielle, & dont on ne s’occupe guère, c’est de javeler les plantes suivant leur longueur & leur maturité, c’est-à-dire, de former des faisceaux des plus grandes, ensuite des moins grandes, des médiocres & des plus petites ; d’agir de même pour les plus grosses & pour les plus fines. Sans cette précaution, le rouissage de celles-ci sera complet, tandis que celui des autres ne le sera pas.

On se contente, en général, de récolter en deux temps, sans avoir égard à ces distinctions particulières, d’où dépendent la belle qualité de la filasse, soit dans la cueillette des plantes mâles & des plantes femelles. Pour avoir une qualité égale dans la filasse, ne pourroit-on pas cueillir la plante mâle plus mûre, &