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la plante femelle un peu avant sa maturité parfaite ; alors les qualités seroient plus rapprochées. Je ne propose ceci que comme une expérience à tenter. Mais toujours est-il vrai que l’on diminue la qualité de la masse totale, lorsque l’on suit l’usage établi. J’ai fait l’année dernière l’essai d’un procédé avec assez de succès. J’ai laissé dans la chènevière la plante à fleurs, droite & en place, après l’avoir arrachée & secouée légèrement ; elle y a séché lentement, sans être altérée ni noircie, recevant des plantes voisines, une vapeur, une transpiration qui s’est opposée à sa trop grande siccité ; elle jouissoit encore d’un reste de vie qui la mettoit à l’abri des inconvéniens qu’elle auroit éprouvés si elle eût été séchée ailleurs, & conservée pendant aussi long-temps. Revenons à la préparation des javelles.

Si l’on ne veut pas se soumettre à la séparation des grandes & des petites tiges, & même en l’observant, on doit toujours placer dans le milieu des javelles le chanvre le plus mûr & les tiges les plus longues, afin qu’elles ne soient pas froissées & brisées, lorsqu’on arrange les masses à rouir, ou qu’on les retire du routoir ; cette disposition conservera ses avantages jusque dans l’opération, quoiqu’éloignée, du sérançage. Si l’on peut se dispenser de faire rouir en même temps les pieds à fleurs & les pieds à graines, on aura le plus grand tort de les mêler.

Il est également avantageux de distinguer le chanvre qui reste vert, quoique mûr, de celui qui est blanc ou jaune, de celui qui a crû à l’ombre ou dans des champs de qualités trop différentes. Le chanvre à graine ne rouit plutôt que lorsqu’il est mis au routoir en même temps que celui à fleurs, & qu’il n’est pas assez mûr. La perfection du rouissage dépend en grande partie de l’attention que l’on a de bien assortir les javelles, relativement au temps qu’elles exigent pour rouir ; autrement des tiges dans une javelle seront trop avancées, lorsque d’autres deviendront très-difficiles à teiller. J’ai vu ces différences être de douze à trente six heures. Le bon rouisseur doit imiter le bon vigneron. Celui-ci goûte plusieurs fois dans un jour la liqueur de la vendange qui fermente dans la cuve, afin de s’assurer des progrès de la fermentation vineuse, & saisir le vrai point de son complément. Celui-ci doit également, dans la journée, tirer plusieurs tiges du monceau, & examiner où en est la fermentation, & si la filasse commence à bien se détacher de sa chenevotte. Il observera que le chanvre vert & gros est moins long-temps à rouir que le vert & le fin ; le vert, moins que le jaune ; le long, moins que le court ; la racine, moins que la tête ; & le chanvre arraché & séché depuis long-temps, est beaucoup plus de temps à rouir que celui qui, arraché à propos, est porté tout de suite de la chènevière au routoir.

Si l’on ne peut absolument rouir peu de jours après la récolte, il faut au moins ne pas attendre plus tard que la mi-octobre, à cause du froid & des pluies : d’ailleurs l’exsiccation rapide au soleil ou à l’air, si rigoureusement demandée après le rouissage, s’exécuteroit mal alors. Le four & le séchoir dont il a été question dans la première partie de ce Mémoire, nuisent à la qualité de la filasse.

Le temps du rouissage varie autant