Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/750

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Irlande, en Écosse & en Hollande ; le sel de mer, quoique plus antiseptique que le sel dépuré, ne s’oppose pas à la fermentation convenable. Ne pourroit-on pas établir des routoirs près des marais salans &. des parcs d’huîtres, que l’on rempliroit en profitant des grandes marées ?

Il est certain que l’opération du rouissage seroit bien accélérée & perfectionnée, si les eaux dans lesquelles on tremperoit le chanvre étoient alcalines : telles sont les eaux de fumier de basse-cour ; mais ces engrais ont d’autres emplois bien utiles, ils sont toujours trop rares ; d’ailleurs plus ces eaux sont colorées, & moins la filasse est accueillie à cause de la couleur qu’elles lui communiquent.

J’ai éprouvé & fait tirer parti avec le plus grand succès, pour cet objet, d’une source abondante d’eau minérale, alcaline & gazeuse. Pourquoi ne pas se servir de ces avantages locaux, pour blanchir, ou achever de dissoudre le gluten de notre filasse, de nos fils, de nos toiles ? Les secours de pareilles eaux ont porté la blanchisserie de Harlem à un grand point de célébrité ; les Hollandois y font blanchjr très-bien & très-vite. Nous avons abondamment de ces eaux en France, & on peut, à ce sujet, voir leur énumération donnée par M. Thouvenel, L’on évitera avec le plus grand soin l’emploi des eaux ferrugineuses, terreuses & dures. Les taches du fer réduit en ocre sont presque ineffaçables. Les eaux alcalines ne s’opposent point à la fermentation ; leur fétidité est très-remarquable à la fin du rouissage ; & il est bon d’observer pour la théorie, qu’il y a une grande quantité de bulles d’air produite lors de l’union des alcalis avec la substance résineuse ; ce qui prouve entre ces substances une mixtion vraiment chymique ; M. Home ne cesse de le faire appercevoir dans ses expériences sur les toiles. Les lessives employées à cet effet n’avoient plus au goût ni à l’odorat, aucune propriété alcaline ; c’étoient de vrais savons. On auroit pu décruer la soie par cet expédient, si les alcalis nus n’en altéroient pas le nerf ou la force ; car la soie étant une substance animalisée, ou peut-être animale, est corrodée, même détruite par ce mordant, comme l’eau dissout la soie des autres chenilles, qui est encore végétale & qui n’est que de la gomme filée. L’on pourroit tenter le décruage des soies par les eaux minérales alcalines, avec plus d’espérance : le sel, dans ces eaux, y est très-adouci par l’acide crayeux qui lui est toujours uni.

Le chanvre, au contraire, ne perd pas sensiblement sa force par l’emploi des alcalis nus ; il permet même qu’on en augmente l’activité en les rendant caustiques par la chaux ; ce qui le blanchit & l’adoucit promptement sans le fatiguer. Ce fait est prouvé par les expériences de M. Home, dirigées dans ce point de vue.

Que l’on y réfléchisse bien : je ne propose pas de rouir ou de traiter le chanvre en javelles avec des eaux alcalines, à moins que l’on n’en aye de naturelles à sa portée ; mais je demande sérieusement pourquoi on ne les emploieroit pas pour la filasse assez belle, & destinée à être réduite en toile ou en fils fins ? Les pratiques multipliées dans la préparation des toiles, & usitées dans les blanchisseries, tels que les lavages, les rosées, les lessives avec les alcalis seuls, oudus