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enfin, il conservera sa poussière âcre, qui incommode si fort le séranceur, &c.

Les javelles retirées de l’eau, doivent, ainsi qu’il a été dit, être portées & déliées en chaînes sur le pré. Si on les laisse amoncelées trop long-temps, elles déchaussent intérieurement, la fermentation recommence, le rouissage est porté trop loin, & la filasse s’énerve ou pourrit.


section IV.

Du rouissage en plein air ; de ses inconvéniens ; des cas où il est préférable au rouissage à l’eau ; des moyens de le perfectionner.

Le temps nécessaire pour rouir le chanvre en plein air, est ordinairement d’un mois. Personne ne peut être sûr que dans cet intervalle il ne surviendra aucune pluie, aucun orage, aucune grêle, & sur-tout que le chanvre ne sera pas attaqué par les insectes ; les vents violens le déplacent & l’entraînent ; les pluies fortes dissolvent trop tôt & mal sa partie gommeuse, avant que par son intermède l’autre partie soit attaquée, ou avant que l’acide aérien & celui des rosées ne l’aient dissoute. Le chanvre qui, au commencement de son rouissage à l’air, éprouve de fortes ou de fréquentes pluies, est sujet à noircir, & il conserve le plus souvent une couleur d’un gris foncé. Les fibrilles adhèrent ensemble plus fortement que dans le chanvre roui sans pluie, à peu près comme le pinceau du vernisseur, lorsqu’il est sec ; le mouvement que l’on donne aux poils ou crins de ce pinceau, en fait détacher la résine en poussière ; or on ne doit jamais perdre de vue que le meilleur rouissage laisse encore beaucoup de résine, & l’on ne sauroit trop répéter que c’est elle seule qui s’oppose au blanchiment des fils & des toiles. Telle est l’origine de cette poussière aussi inflammable que la colofane en poudre, qui s’élève & voltige dans les ateliers où l’espadonage & le pilage de la filasse s’exécutent, & qui, par sa virulence, fatigue si fort la respiration & les poumons des ouvriers. Tous les chanvres en donnent plus ou moins, ainsi que la filasse ; mais les ouvriers distinguent très-bien que le chanvre roui à l’air est plus âcre & plus incommode. Lorsque je tentai de faire du papier avec cette poussière, qui n’est d’aucun usage, celle du chanvre roui à l’eau mérita la préférence.

Pour diminuer ces inconvéniens, ainsi que la durée de ce rouissage, j’ai tenté avec succès, avant d’exposer le chanvre à l’air, de le mouiller avec de l’eau rendue un peu alcaline. Une légère lessive, &, comme il a été dit ci-dessus, l’eau des fumiers & des basses-cours, rempliroient le même but. J’ai essayé également de le mouiller avec de l’eau de chaux, & ce dernier moyen a encore mieux réussi. Outre que par ce procédé, on détrempe, on dissout le gluten résineux, le chanvre acquiert ainsi la propriété d’attirer de l’atmosphère & de conserver une humidité légère qui lui est très-avantageuse peur l’effet qu’on se propose. Lorsqu’en Hollande on arrose avec de l’eau de mer le chanvre étendu sur les prés, on obtient les mêmes ré-