Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/764

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

administration & après la destruction des abus, qu’il soit permis à un homme enflammé de l’amour du bien public, de dire son avis. Il a eu le bonheur d’ouvrir les yeux aux habitans de certaines provinces sur leurs propres intérêts, & les a engagés de demander au souverain & à la nation assemblée, la suppression des étangs & le partage par feux des communes ou communaux &c. Puisse ce qu’il va dire sur les grands chemins être utile à l’administration des états provinciaux, & l’engager à se soustraire à d’anciens préjugés, dont l’exécution étoit sans avantage pour la chose publique, & très-préjudiciable aux propriétaires riverains.

Je ne dirai pas que des chemins de soixante-douze pieds de largeur tiennent à un luxe sans exemple, à un luxe ruineux, & pour la province chargée de son entretien, & pour ses malheureux riverains dont on endommage sans cesse les possessions. Ce luxe peut à la rigueur être, excusable à dix ou quinze lieues du voisinage de la capitale ; mais dans les provinces, cette énorme dimension enlève à l’agriculture un terrain sacrifié en pure perte. Le premier & l’unique but d’une grande route est de faciliter les communications d’un lieu à un autre. Or un chemin de trente-six pieds de largeur, accompagné d’un fossé de six pieds de chaque côté, en tout quarante-huit pieds, offre tous les avantages qu’on doit en attendre. 1o. Un tiers franc du sol est rendu à l’agriculture ; & si on prend la peine de calculer ce que douze pieds de largeur de plus, depuis Lille en Flandre jusqu’à Marseille, & de Marseille à Bayonne, &c. produisent de mille d’arpens de terres labourables, on en sera étonné 2o. L’entretien d’un chemin de quarante-huit pieds, doit coûter un tiers moins que celui d’un chemin de soixante-douze ; mais j’ajoute près de moitié moins, & j’ai de bonnes raisons pour avancer cette assertion. Le détail des preuves m’éloigneroit trop de mon objet.

Admettons qu’une loi prescrite par le souverain, d’après les vœux de la nation, fixe invariablement les chemins de postes à une largeur de quarante-huit pieds, les routes de ville à ville a quarante deux, enfin les chemins ruraux à trente-six pieds, les fossés compris dans ces dimensions ; voyons quels sont les moyens de les rendre utiles & agréables. L’inspection des défauts des chemins actuels fournira la leçon.

On distingue trois parties dans les grandes routes ; le milieu, qui est pavé ou empierré, les côtés, qu’on appelle Bermes, & les fossés ; on doit y ajouter une quatrième partie, ce sont les champs riverains, sur lesquels l’ordonnance prescrit de planter les arbres de bordure. Actuellement choisissons un exemple, soit le chemin de Paris à Orléans, ou tel autre de soixante pieds de largeur, non compris les fossés. Le milieu de ce chemin est pavé sur une largeur de dix-huit pieds ; ceux au nord de Paris sont pavés dans la même proportion. Il reste donc vingt-un pieds de berme de chaque côté ; ces vingt-un pieds ne sont ni pavés ni empierrés, ils sont uniquement formés, 1o. du sol lui-même ; 2o. de la terre des fossés ; 3o. de la terre des champs riverains, si la terre des fossés n’a pas été suffisante pour bomber le chemin. Il est