Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/771

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si on a eu le soin de les travailler aux pieds, & de mêler la terre des fossés avec celle que l’on travaille. Tout concourt donc à la prospérité des arbres, & les eaux pluviales rassemblées dans les toiles, entretiennent leur fraîcheur. De tels arbres, plantés a 24 ou 36 pieds, suivant leur espèce, ne sont jamais gênés, leurs racines trouvent de quoi s’étendre au loin, & en tous sens, sans être contrariées & affamées par d’autres racines, ni meurtries & mutilées par la charrue. On dira peut-être que celles qui sont du côté du fossé, seront brûlées par l’ardeur du soleil. De deux choses l’une, ou le fossé reste constamment à sec pendant l’été, où il est quelquefois humecté par les eaux pluviales. Dans le premier cas, les racines, pour se conformer aux lois de la végétation, iront chercher la fraîcheur qui se trouve à une certaine profondeur sous la superficie de l’empierrement ; elles y seront même attirées parce qu’à travers l’empierrement, s’écoulent les urines & la teinture des excrémens, que les animaux répandent en passant. C’est à cet engrais qui se renouvelle sans cesse, qu’est due la couleur noire & la fertilité de la terre dans cet endroit ; on doit encore ajouter que c’est au peu d’évaporation des principes qu’elle renferme, & dont chaque année la masse augmente. Ce n’est point ici une affection hasardée. La fertilité du sol des chemins détruits & rendus à la culture, en fournit la preuve la plus décisive. C’est donc à tort que l’on se persuade que les racines se porteront plutôt vers un lieu où elles doivent souffrir, que vers ceux où elles trouveront leur bien-être… Dans le second cas, cas les fossés sont assez souvent pénétrés par les eaux pluviales, l’objection est sans valeur. Je dis plus, les fossés forcent les racines qui s’en approchent à pivoter : ce n’est que lorsqu’elles sont parvenues à une forte grosseur, qu’elles paroissent à la superficie ; mais cette grosseur reste annonce assez que le reste plonge très-avant dans le sein de la terre. J’oie ajouter que ces grosses racines sont la preuve la plus décisive de la vigueur de l’arbre. On doit donc conclure de ce qui vient d’être dit, que les arbres plantés sur les lisières des fossés & dans les chemins, y réussiront aussi-bien, même mieux que par-tout ailleurs, & infiniment mieux que dans les champs où ils sont plusieurs fois dans l’année attaqués & endommagés par la charrue. Leur ombrage nuira-t-il aux chemins ? Cet article sera examiné ci-après.

De la plantation dans les fossés. Afin de prévenir les objections, il convient d’établir pour principe que l’eau rassemblée en masse, & qui reste telle tant que l’arbre n’est pas feuille, ne lui cause aucun préjudice ; que cette masse ne devient nuisible que pendant l’été, si elle séjourne trop long-temps. J’ai eu sous les yeux pendant six ans des mûriers qui avoient leurs racines couvertes d’eau, & cette eau couvroit le sol à la hauteur de plus d’un pied, depuis le commencement de novembre jusqu’en mars, & quelquefois jusqu’en avril, sans leur nuire. Cependant le mûrier se plaît dans les terrains un peu secs : celui dont je parle, le devenoit au