Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/790

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un réservoir d’eau, placé de manière à me faire présumer dès-lors qu’il fournissoit une liqueur pour humecter les alimens qui revenoient de la panse à la bouche dans le temps de la rumination, & pour désaltérer l’animal par ce moyen, lorsqu’il n’avoit point d’eau à boire. Je vois à présent que le réservoir du chameau & du dromadaire fait les mêmes fonctions que le bonnet des autres animaux ruminans, qui est aussi un réservoir d’eau ou de sérosité.

Après ces observations, & à l’inspection exacte des parties qui concourent à la rumination, on peut commencer à expliquer son mécanisme. La rumination paroît être un acte qui dépend de la volonté. Lorsque l’animal veut ruminer, la panse qui contient la masse d’herbe qu’il a pâturée, se contracte, & en comprimant cette masse, elle en fait entrer une portion dans le bonnet. Ce viscère se contracte aussi, enveloppe la portion d’alimens qu’il reçoit, l’arrondit, en fait une pelote par sa compression & l’humecte avec l’eau qu’il répand dessus en se contractant : la pelote ainsi arrondie & humectée, est disposée à entrer dans l’œsophage ; mais pour qu’elle y entre, il faut encore un acte de déglutition.

Les anatomistes savent qu’il y a beaucoup d’appareil pour la déglutition commune à tous les animaux, qui se fait dans le pharinx. Le mécanisme de cette fonction, est encore difficile à expliquer. Le mécanisme de la déglutition particulière aux animaux ruminans me paroît moins compliqué & plus facile à découvrir, quoiqu’il ne paroisse pas plus difficile de faire aller des alimens de la bouche dans la panse, que de les faire revenir de la panse dans la bouche ; car ce dernier trajet ne se fait pas d’un mouvement convulsif, comme le vomissement, mais par un mouvement réglé, comme la déglutition du pharinx.

La partie de l’œsophage qui aboutit à la panse, au bonnet & au feuillet, que l’on regarde comme le troisième estomac des ruminans, forme une sorte de gouttière, qui a des bords renflés par un gros muscle demi circulaire. Il est tel que la gouttière de l’œsophage peut s’ouvrir & se fermer, à peu près comme l’un des coins de notre bouche peut faire ces deux mouvemens, tandis que l’autre coin reste fermé.

J’ai fait voir comment le bonnet détache une portion de la masse d’herbes contenue dans la panse, comment il l’arrondit en forme de pelote, & l’humecte en la comprimant. Il est situé de façon que la pelote qu’il contient se trouve placée contre les bords de la gouttière de l’œsophage, & à portée d’y être introduite par la pression subsistante du bonnet. La pelote étant entrée dans l’œsophage, est conduite jusqu’à la bouche par l’action des muscles de ce canal. Lorsque la pelote repasse dans l’œsophage au sortir de la bouche, la gouttière se trouve fermée par l’action de ces muscles, & la pelote arrive dans le feuillet, sans pouvoir entrer dans la panse ni dans le bonnet. Ce fait est avéré par l’inspection des matières qui se trouvent dans la panse & dans le feuillet. Je n’ai jamais vu dans la panse que des alimens grossièrement broyés ; je n’ai trouvé dans le feuillet