Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/791

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que des alimens bien broyés, tels qu’ils doivent être après la rumination. J’ai fait manger à un mouton des herbes aussi-bien broyées que s’il les avoit ruminées ; cependant après la mort du mouton, je les trouvai dans la panse, & non pas dans le feuillet.

Quoiqu’il faille le concours de plusieurs organes pour faire revenir dans la bouche une petite portion de la masse d’alimens contenus dans la panse ; cette opération se fait en peu de temps. Pour s’en assurer, il suffit de considérer une bête à laine pendant qu’elle rumine ; lorsqu’elle a fait revenir une pelote de la panse dans sa bouche, elle la mâche pendant environ une minute, ensuite elle l’avale, & l’on voit la pelote descendre sous la peau le long du cou : alors il se passe quelques secondes, pendant lesquelles l’animal reste tranquille & semble être attentif à ce qui se passe au-dedans de son corps : j’ai tout lieu de croire que, pendant ce temps-là, la panse se contracte, & le bonnet reçoit une nouvelle pelote ; ensuite le corps de l’animal se dilate ; il se resserre bientôt par un effort subit, & enfin l’on voit la nouvelle pelote remonter le long du cou. Il me paroît que le moment de la dilatation du corps est celui où la gouttière de l’œsophage, s’ouvre pour recevoir la pelote, & que l’instant où le corps se resserre subitement, est celui de la déglutition, qui fait entrer la pelote dans l’œsophage pour revenir à la bouche, & pour y être broyée de nouveau. Je crois que l’animal satisfait presqu’autant le sens du goût en ruminant, qu’en mangeant l’herbe pour la première fois ; quoiqu’elle ait été macérée dans la panse, elle n’a pas beaucoup changé de saveur, elle a encore à peu près le même goût.

J’ai tiré de ces connoissances sur le mécanisme de la rumination, plusieurs conséquences, par rapport au tempérament & au traitement des animaux rumïnans, & principalement des bêtes à laine, soit pour les maintenir en bonne santé, soit pour les guérir de leurs maladies.

La santé des bêtes à laine, & probablement de tous les animaux ruminans, est très-sujette à s’altérer par des différences de quantité dans la sérosité du sang, qui sont plus fréquentes que dans les autres animaux, parce que les ruminans ont un viscère particulier où il se fait une sécrétion de sérosité. Cette sécrétion est abondante, car il faut beaucoup de liqueur pour humecter toutes les pelotes d’un pouce de diamètre, que fournit la masse d’alimens contenus dans la panse d’une bête à laine. La sérosité du sang ne suffiroit pas, sans épuiser l’animal, si elle n’étoit suppléée par la boisson ; soit que l’eau entre, au sortir de l’œsophage, dans le bonnet, pour imbiber & remplir ce réservoir, & qu’il en entre aussi dans la panse pour humecter la masse d’alimens qui s’y trouve, & la disposer à la macération qui se fait dans cet estomac ; soit que l’eau arrive par d’autres voies dans le bonnet & dans la panse. Si la masse d’alimens contenue dans la panse est trop humectée, parce que l’animal a trop bu, les pelotes qui sortent de la panse dans le temps de la rumination, sont assez imbibées pour ne point tirer de liqueur du bonnet, & même pour en fournir à ce réservoir, au lieu d’en recevoir ; alors la sécrétion de