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I. De toutes les pluies.

La moins alarmante est la prétendue pluie de crapaud, parce que le paysan connoît le crapaud, & il lui paroit tout naturel que ses œufs aient été élevés dans l’air, qu’ils aient éclos dans le nuage, & que les petits crapillons soient tombés avec la pluie. Je conviens que souvent, après une forte pluie d’été, on en voit des places couvertes, & par cantons, sur-tout sur les lieux où l’on vend le poisson dans les villes.

1°. Si l’on considère la conformation des prétendus œufs de crapauds, de grenouilles, on verra, 1°. que lorsque la femelle les pond, ils sont liés les uns aux autres par un gluten très-épais, que cette éjection ressemble à une petite corde souvent de plusieurs aunes de longueur sans interruption aucune. 2°. que cette masse est trop pesante pour surnager, & qu’elle se précipite & reste toujours au fond de l’eau ; 3°. que le gluten l’y retient collée & fixe ; 4°. que le gluten ne reste suspendu entre deux eaux que lorsque l’animal a été entièrement développé & s’en est séparé, débarbouillé ; 5°. que la matière gélatineuse se réunit alors par floccons, & fuit dans l’eau, & en partie à la surface, le mouvement que le courant d’air lui imprime ; 6° qu’elle se putréfie assez lentement ; qu’elle répand une odeur marécageuse & mal-saine ; enfin, qu’elle ne se précipite au fond de l’eau, qu’autant que la corruption détruit les espèces d’utricules qui renfermoient beaucoup d’air, au moyen duquel la masse étoit soutenue à la superficie de l’eau, étant alors d’une gravité spécifique moindre que celle de la colonne d’eau.

D’agrès cet exposé, il est donc impossible qu’un vent impétueux enlève du fond de l’eau ce long cordon d’œufs, sans enlever en même temps le mucilage qui les réunit ; mais cette masse est trop pesante pour rester long-temps en l’air, & il faudroit ce qu’on appelle une de ces trombes violentes, pour opérer un pareil enlèvement, & jamais personne n’a remarqué un semblable phénomène après une trombe. Pour que le vent le plus impétueux soit supposé capable d’enlever ces œufs, il faut supposer qu’il aura auparavant enlevé toute l’eau qui les recouvre. Ce n’est donc qu’à force d’entasser suppositions sur suppositions, que l’on viendroit à bout de donner un air de probabilité à ce phénomène.

2°. Le frai du crapaud, de la grenouille ne contient point d’œufs, mais bien le têtard replié & concentré en lui-même, qui, au moyen de la fécondation se développe & acquiert la figure d’un animal. Les membranes que l’on prenoit pour les enveloppes de l’œuf, ne sont que celles de l’amnios, puisqu’avec le temps elles grossissent & se remplissent d’une plus grande quantité de liqueur, & le point noir qu’elles renferment, est le têtard lui-même. C’est un véritable fœtus & non un œuf, puisqu’il ne laisse après lui ni coquille ni écaille, ni dépouille, comme laissent après eux tous les animaux qui naissent d’un œuf.

De plus grands détails nous écarteroient de notre objet, & ne sont pas de notre ressort ; ceux qui en désireront, peuvent consulter l’extrait de l’ouvrage du célèbre naturaliste,