Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/804

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tifs irritent ; cette irritation est bien prouvée par ce qu’on observe quelque temps après sur tous ceux qui ont été purgés, qui éprouvent des douleurs, des inquiétudes & des borborygmes dans les intestins : mais cette idée d’irritation ne suffit pas pour expliquer en général la manière d’agir des purgatifs ; car enfin tout ce qui irrite, ne purge pas. Mais, sans plus approfondir cette question, nous nous contenterons de dire & de croire qu’ils purgent par indigestion.

Les purgatifs sont régardés avec raison comme l’un des plus puissans moyens qu’offre l’art de guérir. En effet, dit M. Lieutaud, on ne peut nullement douter que le foyer de diverses maladies, tant chroniques qu’aiguës, ne soit dans les premières voies. C’est aussi d’après cette observation générale qu’ils sont indiqués dans les fièvres aiguës, soit continues soit rémittentes ; dans les fièvres putrides & inflammatoires, dans les maladies soporeuses, chroniques, convulsives, cachectiques, dans toutes les hydropisies, dans le dégoût, les divers flux de ventre, dans les obstructions invétérées, dans les maux de tête opiniâtres. Enfin il est bien peu de maladies où ils ne puissent trouver une place.

Il faut avouer qu’en général dans les provinces méridionales on abuse des purgatifs, & qu’il y a beaucoup de médecins qui n’ont égard ni à la violence des symptômes qui accompagnent l’invasion d’une maladie, ni au temps de coction & de crise, & qui purgent sans cesse de deux jours l’un, dans quelque maladie que ce soit. Il s’étayent premièrement de leur usage & de la louable pratique de leurs pères ; 2°. ils vous disent, les maladies ne se guérirent que par les évacuations, or donc il faut évacuer ; & pour évacuer, il faut purger : il est impossible de leur faire entendre de ne purger qu’après la coction. Ils ne doivent pas ignorer qu’Hippocrate ne veut pas qu’on purge dans le temps de crudité, à moins que la matière morbifique ne se porte vers les premières voies, ce qui arrive rarement dans les maladies aiguës.

Il en est de nos humeurs comme du moût qui se change en vin ; il faut donner le temps à la nature d’opérer ce changement ; & pour cet effet il ne faut point la troubler dans son travail ; s’il est imparfait, & que les crises qu’elle procurera ne paroissent point suffisantes, alors on doit l’aider, purger même durant les évacuations, ainsi que vers la fin de la maladie.

M. de Lamure remarque très-judicieusement qu’on ne doit pas toujours être déterminé à purger sur la fin des maladies par les signes de putridité qui paroissent dans la bouche, tels qu’une croûte blanche, jaune, ou noirâtre. Comme la langue se décharge successivement, & que cette croûte se dissipe d’abord vers la pointe, ensuite vers le milieu, puis vers la base, il peut se faire aussi que les couloirs de l’estomac & des intestins se soient successivement débarrassés des sucs viciés qui les embourbaient, plutôt même que la langue. Peu importe que ces évacuations abondantes soient l’ouvrage de la nature ou de l’art, la raison veut qu’on n’insiste plus sur les purgatifs, si les malades recouvrent l’appétit, &. si leur esto-