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le bétail a été paître sur le sol qui s’étoit couvert d’herbes aussitôt après la coupe ? Lorsqu’il s’agit d’un fait aussi intéressant, il convient, avant de prononcer, de peser toutes les circonstances & de les bien éclaircir, d’autant plus que M. d’Etigny avoit proposé, à l’époque de l’exploitation de la Forêt d’Athos dans la vallée d’Aspre, de mettre en coupe réglée les autres sapinières de France, & de les diviser en vingt-cinq parties, de sorte que la coupe de chaque partie employant six années, l’état retrouveroit, après cent ou deux cents ans, de beaux arbres qui fourniroient à des coupes nouvelles & successives. Le point unique de la question est donc d’être convaincu par l’expérience que les forêts de sapin peuvent se renouveler d’elles mêmes lorsque la coupe en a été faite à blanc.

Je ne puis prononcer à ce sujet, puisque je ne peux pas l’examiner, n’étant point sur les lieux, & n’aimant pas à m’en rapporter au dire des autres. Cependant voici un témoignage qui est d’un grand poids. M. de M***, homme très-instruit, qui voit, examine, apprécie les choses, & que sa modestie me défend de nommer, voyageant en Suisse, rencontra à Berne, & à Lucerne, un Anglois nommé M. Haward, qui lui assura avoir vu, venant de Zurich à Schewits par le chemin fameux de l’ermitage, de belles forêts de sapins, exploitées à blanc & qui recroissaient à merveille. Il a encore, sur ce sujet, cité sa propre expérience & celle de son père. L’un & l’autre ont planté de grands bois de sapins dans leurs terres, situées au nord de l’Angleterre, frontières d’Écosse ; leurs semis ont parfaitement réussi quoiqu’ils aient été faits sans abri. Il a ajouté encore avoir déja coupé des parties à blanc, & que le jeune plant revenu d’après le semis naturel des graines tombées des anciens arbres, commençoit déja à former un beau bois. J’insiste sur ces témoignage, parce qu’il est essentiel de détruire l’ancienne méthode si l’expérience a confirmé la nouvelle. C’est à l’administration à prendre des renseignemens sur ce sujet, & à faire constater le fait de la manière la plus authentique. Il faudroit encore bien distinguer si le sapin blanc N° 1 & le sapin rouge ou épicia N° 5, sont l’un & l’autre susceptibles de la coupe à blanc, car sans cette distinction essentielle l’administration recevroit peut-être des réponses qui paroîtroient contradictoires, quoique très-vraies dans le fond.


CHAPITRE IV.

Propriétés des Sapins.

Dans les cantons où le sapin est le bois le plus commun, on s’en sert pour clôtures des champs, & même l’épicia souffre le ciseau comme l’if : il y a deux manières de les former, ou par semis, ou en transplantant de jeunes pieds près les uns des autres. La seconde méthode est plus expéditive ; il suffit de faire une fosse, d’enlever les sujets avec toutes leurs racines & la terre qui les environne, & de les placer à demeure en comblant la fosse avec la terre du voisinage ; il suffit de garantir les semis ou la jeune haie du piétinement du bétail.