Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/107

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comme celle qui coule des entailles faites aux troncs… Enfin la poix des épicias est suffisamment sèche pour être mise dans des sacs. C’est dans cet état que les paysans la transportent dans leurs maisons pour lui donner la préparation dont on va parler.

» On met la poix avec de l’eau dans de grandes chaudières ; un feu modéré la fond ; ensuite on la verse dans des sacs de toile forte & claire qu’on porte sous des presses, qui appuyant dessus peu-à-peu font couler la poix pure & exempte de toutes immondices ; alors on la verse dans des barils, & c’est en cet état qu’on la vend sous le nom de poix grasse, de poix de Bourgogne. On met rarement cette poix en pain, sur-tout quand on veut la transporter au loin, parce que la moindre chaleur l’attendrit & la fait aplatir. On la renferme encore dans des cabats d’écorce de tilleul… Ce que nous venons de dire, regarde la poix blanche, ou pour mieux dire, la poix jaune. On en vend aussi de noire qui est préparée avec cette poix jaune & dans laquelle on met du noir de fumée. Pour bien incorporer ces deux substances, on fait fondre à petit feu & doucement la poix jaune dans laquelle on mêle une certaine portion de noir de fumée : ce mélange s’appelle la poix noire ; mais elle est peu estimée… Dans les années chaudes & sèches, la poix est de meilleure qualité, & la récolte en est plus abondante que dans celles qui sont fraîches & humides.

» Si l’on met cette poix grasse dans des alambics avec de l’eau, il passe avec l’eau par la distillation, une huile essentielle, & la poix qui reste dans la cucurbite est moins grasse qu’elle ne l’étoit auparavant ; elle ressemble alors à la colophane ; mais l’huile essentielle, montée avec l’eau, n’est pas de l’esprit de térébenthine, c’est de l’esprit de poix qui est d’une qualité bien différente & fort inférieure. Comme on a coutume de le vendre pour esprit de térébenthine, on doit prendre des précautions pour n’être pas trompé, sur-tout lorsqu’il est important d’avoir de véritable huile essentielle de térébenthine, soit pour les médicamens, soit pour dissoudre certaines résines concrètes.— On fait la véritable essence de térébenthine, en distillant avec beaucoup d’eau celle qu’on retire des vessies du sapin. La térébenthine qui a été ramassée au mois d’aoút fournit un quart d’essence, c’est-à-dire que de quatre livres de belle térébenthine, on en tire un livre d’essence.

» Dans les forêts épaisses où le soleil ne peut pénétrer, on fait toutes les entailles du côté du midi ; mais dans celles où le soleil pénètre, ce qui est rare, on les fait indifféremment de tous les côtés, pourvu néanmoins que ce ne soit pas du côté du vent de pluie. On fait quelquefois trois ou quatre entailles à un gros épicia ; mais on a l’attention de n’en point faire, comme on vient de le dire, du côté où la pluie vient en plus grande abondance. Quand on ne fait qu’une plaie aux épicias, ils fournissent la poix pendant 25 à 30 ans. Il y a des arbres pourris au dedans qui donnent encore de la poix, parce qu’à mesure qu’une couche intérieure se pourrit, il s’en forme de nouvelles a l’extérieur. Lorsque l’on a fait plusieurs entailles, l’humidité, sur-tout dans des temps de neige, pénètre la substance ligneuse & oc-