Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SAR106
SAR

sarrasin sera en pleine fleur, on le labourera comme la première fois afin de l’enterrer. Suppose que quelques pieds fussent mal enfoncés, & que l’on craignît que les fleurs ne grainassent, & que ces graines après avoir germé, nuisissent à la récolta suivante en blé, il suffira de faire passer à différentes reprises les troupeaux sur ce champ. Le premier enfouissage sera donc au milieu ou à la fin d’avril, & le second en juin ; pendant tout le mois de juillet l’herbe pourrira en terre ; il restera août & la moitié de septembre, pour préparer le champ à recevoir la semence des blés. Je ne demande pas que le cultivateur des provinces du midi s’en rapporte sur ma parole ; mais je le prie de partager en deux un champ de même nature, de même exposition, enfin que toutes les circonstances soient égale ; afin de prévenir les objections ; qu’une partie de ce champ soit traitée comme je viens de le dire, & que l’autre soit cultivée à la manière du pays ; qu’il emploie la même qualité & la même quantité de semences en blé ou seigle sur l’une & l’autre partie, & il jugera par lui-même, laquelle des deux lui donnera une plus belle récolte. La seule dépense extraordinaire consistera dans l’achat de la semence du sarrasin que l’on doit semer, dans cette circonstance, presqu’aussi épais que le froment. Cette expérience n’est à coup sûr, ni coûteuse ni difficile, elle augmente de peu le travail du sol, & souvent double le produit de la récolte. Il peut arriver que dans les années de grande sécheresse, la seconde mise de sarrasin ne prospère pas beaucoup : N’importe, il ne s’agit pas ici d’une récolte de grains, mais d’une récolte d’herbes ; elle en donnera toujours assez pour produire un second & très-bon engrais. Les tiges à l’époque où on les enfouit, sont simplement herbacées, & par conséquent pourrissent très-vite ; elles rendent, en principes, à la terre dix fois plus qu’elles n’ont reçu d’elle. (Consultez le mot Amendement.)

L’expérience de M. de la Chalorais, rapportée dans les Observations sur l’Agriculture de la société de Bretagne, confirme ce que j’avance par un fait bien singulier. L’Auteur dit : Lorsque le sarrasin est en fleur, on le couvre de terre par un labour ; peu de jours après il est assez ordinaire de voir tout le terrain chargé d’une vapeur épaisse, comme les brouillards qui s’élèvent sur les marais. Le blé-noir est promptement consommé : ce fait annonce la grande fermentation qui s’établit sous la terre ; mais pour que le brouillard paroisse, il faut une combinaison de circonstances qui ne se rencontrent pas toujours, & qu’il seroit trop long de détailler ici. Il prouve au moins la prompte putréfaction de l’herbe, & qu’on doit l’enfouir plus profondément qu’on n’a coutume de le faire, afin que la couche de terre, plus épaisse, retienne mieux l’humidité, & sur-tout l’air fixe qui s’échappe des plantes putréfiant es. J’oserois presque avancer, dans la circonstance dont il s’agit y que si on avoit mis la main sur le sol y on auroit éprouvé une véritable chaleur communiquée par la fermentation.

La même méthode pourroit être appliquée aux pays moins chauds : tout dépend de la longueur de l’hiver. On peut risquer une semaille précoce ; s’il survient une gelée tardive, les mêmes plantes périront. Un simple