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ensuite comme le blé pour en séparer le grain. Dans ce cas, il faut empêcher les poules & les pigeons d’approcher de l’aire, ces animaux se gorgeroient de ce grain dont ils sont très-avides. Après avoir battu, ou vanné, l’on porte le grain dans le grenier, & on l’étend sur le plancher. Consultez ce qui a été dit au mot froment, sur les moyens de prévenir l’échauffement.

M. Duhamel dans ses Elémens d’Agriculture dit, on prétend que les éclairs font beaucoup de mal au sarrasin. Cette opinion est assez généralement reçue ; mais est-elle également démontrée ? je ne le crois pas ; cependant, puisque cette opinion est assez générale, il faut donc qu’il y ait un peu de vérité quant à l’effet, plus qu’à la cause. Les éclairs sont presque toujours suivis de fortes pluies, de pluies d’orage & de coups de vents. Ne seroit-ce pas plutôt à ces pluies qui délavent & entraînent la poussière fécondante des fleurs, l’étamine, qu’est due l’infécondité, & aux coups de vents les meurtrissures qu’éprouvent la multiplicité des tiges, par le froissement des unes contre les autres, puisqu’elles sont très-tendres, très-aqueuses, & susceptibles des plus légères impressions.


Section II.

Du Sarrasin considéré comme engrais.

Je ne connois aucune plante qui fournisse un meilleur engrais & qui se réduise plutôt en terreau ; de quelle ressource ne seroit-elle pas dans les climats approchans de ceux du bas-Languedoc & de la basse-Provence, où l’on est presque forcé à laisser les terres à grains en jachères (consultez ce mot) pendant une année. Les fumiers y sont très-rares à cause de la disette des fourrages, & le sarrasin en tiendroit lieu : démontrons-en la possibilité. Dans ces climats on est obligé de semer de bonne heure, afin que le froment & le seigle aient le temps de taller en racines avant l’hiver, ce qui leur donne la force de résister aux chaleurs & aux sécheresses de l’été. Le proverbe de ces cantons, est que les meilleures semailles sont celles faites dans les quinzes derniers jours de septembre, & pendant les quinzes premiers jours d’octobre. On a donc le temps, avant les fortes gelées qui y sont rares & tardives, de labourer à fond les champs destines au repos ou jachères ; ces labours seroient répétés en février avec autant de soins que si on devoit semer des blés. On semeroit sur la terre ainsi préparée le sarrasin à la fin de février, & même au milieu de ce mois si la saison le permet, ou tout au plus tard au commencement de mars. La chaleur à ces époques est dans ces climats suffisante pour faire germer le sarrasin ; en quatre-vingt jours il y acquerroit sa maturité : mais on doit bien se garder d’attendre cette époque. Après quarante jours il commence à fleurir, & c’est le terme où il convient de l’enfouir avec la charrue à oreille ou versoir. Les labours demandent à être faits près-à-près & très-serrés afin que l’herbe soit mieux recouverte. Sur ces labours d’enfouissage, on semera de nouveau du sarrasin, & ou hersera avec des fagots à la suite de la herse dont les dents seront tournées contre le ciel. Cette opération répétée deux fois, c’est-à-dire croisée, suffira pour couvrir la semence. Lorsque ce second