Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ordinaire donne une récolte pleines à raison des chaleurs & des gelées qui perdent très-souvent ce grain lorsqu’il est en fleur, & qu’ainsi les travaux du colon sont en pure perte, j’ai pris le parti d’écrire à M. Martin, pour le prier de me procurer une certaine quantité de semence, j’en ai donc reçu un envoi de quatre-vingt livres pesant, ou à-peu-près ; voici le procédé que j’ai suivi, & le résultat de mes opérations & observations :

J’ai délivré à un de mes fermiers les quatre-vingt livres de semence que j’ai reçue de M. Martin, & qui forment la contenance d’une mine, mesure du comté de Baugenci, ou bien une mine & demie & un dixième de mine, mesure d’Orléans, il les a semées à la fin de juin dernier dans une terre médiocre, préparée par la levée seule du guéret, & hersée une fois, & a couvert quatre septerée de terre de ma mesure, ou environ, lesquelles contiennent 1792 toises quarrées chacune. Quinze jours après l’ensemencement fini, je n’ai tardé, ainsi que mon fermier, à m’apercevoir qu’il l’avoit semé trop épais, & en effet, ce blé-noir doit être semé un tiers plus clair que le blé-noir ordinaire, d’où il résulte que les quatre-vingt livres de semence auroient dû couvrir six septerées au lieu de quatre ; car dans mon canton, nous mettons le boisseau de Baugenci en blé-noir ordinaire à la septerées de terre, & il y a quatre boisseaux à la mine ; premier défaut qui est cause que je n’ai eu que le produit dont je parlerai ci-après.

Ce blé-noir a porté des feuilles à-peu-près triangulaires, ressemblant beaucoup à celles du blé-noir ordinaire & à la feuille du lilas ; il produit une principale tige d’où part une quantité considérable de branches qui toutes produisent à leur extrémité, & le long desdites branches & tige sur la longueur d’environ un pouce, des grains pressés les uns contre les autres en forme de grappe comme celles de groseilles. Ce blé fait son grain très-promptement, car il n’entre point en fleur, ou plutôt il peut en produire une, mais qui est imperceptible, & qui se convertit presqu’aussitôt en grain. La paille en est creuse comme celle du blé, d’une couleur jaune-pâle lors de la maturité, & verte auparavant.

Arrivé le 12 septembre dernier à ma terre, j’ai vu le lendemain ce blé-noir que j’ai trouvé dans le cas d’être coupé, étant dans une maturité parfaite & même trop avancée ; la feuille étoit tombée, &, en touchant à la paille, le grain se détachoit. Mon fermier n’avoit différé d’y mettre les ouvriers à l’effet d’en faire la récolte, que parce qu’il attendoit mon arrivée, & que je lui en eusse donné l’ordre ; il craignoit de le couper trop tôt ; d’un autre côté, dans ce moment qui étoit celui de la couvraille des seigles, il étoit très-difficile de trouver des journaliers à cet effet, & il étoit impossible que les gens de la ferme quittassent leur travail ordinaire, ce qui m’a forcé d’attendre encore quatre jours pour faire la récolte ; enfin, je n’ai pu avoir que quatre personnes qui l’ont coupé à la faucille en cinq jours ; il falloit aller doucement pour perdre le moins de grains possible ; le premier jour il faisoit un beau soleil & une partie du grain tomboit à mesure qu’on le coupoit, sur-tout de