Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/128

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puis dix heures du marin jusqu’à quatre heures du soir. Le second jour j’ai fait couper de très-grand matin, & prolonger la journée tant que le jour l’a permis ; le ciel étoit couvert & le grain s’est bien moins perdu. Le troisième & quatrième jour il a plu & il ne s’est rien perdu. Et enfin le cinquième jour, le ciel étant serein, j’ai perdu dans le haut du jour comme le premier. Si cette récolte eût été faite dix ou douze jours plutôt, je n’aurois rien perdu ; en effet, dans les quatre septerées de terre qui ont produit ce blé-noir, il y avoit une très-petite portion qui avoit été faite huit jours plus tard, & qui néanmoins a été coupée en même temps que le reste ; comme le degré de maturité étoit à son point, je n’ai rien perdu dans cette partie ; au lieu que dans le reste du terrain, de l’aveu des moissonneurs & de mon fermier, il est resté dans le champ environ quatre septiers, à raison de la trop grande maturité. Second défaut, j’ai fait battre sur le champ ce grain, deux hommes y ont passé chacun deux jours & une demi-journée pour le venter, mesurer & porter dans mes greniers ; le produit de la balle n’a pas été de plus de deux mines, mesure de Baugenci, & celui du grain a été de vingt-six septiers deux boisseaux & demi, ou cinquante-deux mines deux boisseaux & demi, dite mesure, qui font quatre vingt-quatre mines & un cinquième de mine, mesure d’Orléans. Ce blé est plus petit que le blé-noir ordinaire, son écorce est bien plus dure, & sa couleur tire sur le gris ; il ne s’écrase point sous les pieds. Mon fermier en a fait moudre six boisseaux mesure de Baugenci ; le meunier ayant mis ce grain au moulin, a été obligé de relever sa meule supérieure, qui d’abord étoit trop basse, & dans cette dernière position des meules, à raison de la dureté dudit grain, les meules & rouages faisoient un bruit extraordinaire, de manière que le meunier craignit de voir casser quelque partie du tournant & virant. Ce rehaussement de la meule supérieure, fait par hasard, a été cause que le grain a été moulu de la manière que M. Turmelin l’annonce dans sa lettre, & que la farine s’est trouvée très-bonne, n’ayant contracté aucun goût de l’amertume de l’écorce de ce grain, dont elle auroit au contraire été entachée, si ce blé eut été moulu comme le seigle l’exige, quoique le grain soit beaucoup plus petit & son écorce plus épaisse que celui du pays ; néanmoins il a rendu la même quantité de farine & d’une meilleure qualité ; en effet, le fermier a mêlé cette farine avec pareille quantité de celle de seigle, & il en a eu un très-bon pain qui n’avoit d’autre goût que celui de seigle tout pur ; la farine de blé-noir ordinaire, mêlée avec celle de seigle, donne au contraire un mauvais goût au pain, que les personnes qui s’y connoissent n’ont point trouvé dans celui fait avec la farine de seigle & celle du nouveau blé-noir ; mon fermier & ses gens en ont été parfaitement contens. On a donné à manger de ce grain aux chevaux, ils n’en ont point laissé ; à l’égard de la paille, les bestiaux n’en ont point voulu, elle ne peut servir qu’à faire de la litière.

Je crois devoir observer que dans la même ferme il a été emblavés seize septerées de terre en blé-noir ordinaire, tant dans la même pièce qu’à