Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sauterelles, & dès-lors elles commencent leurs dégâts dans les campagnes.

La famille des sauterelles renferme un très-grand nombre d’espèces ; heureusement que celles de France y multiplient beaucoup moins que celles des pays méridionaux, & même du nord d’Allemagne. Toutes les histoires fourmillent d’exemples de nuées formidables de sauterelles survenues inopinément, des dégâts & des dévastations horribles qu’elles occasionnent : nos provinces méridionales de France y sont quelquefois exposées. Mézerai dit qu’en 1613 une tempête extraordinaire en jeta une armée entière dans la campagne d’Arles ; qu’elle traversa le Rhône, & dévasta tout son voisinage jusqu’à Aramont, au point qu’il ne resta pas le moindre vestige de verdure sur aucun champ. Ces sauterelles attirèrent les étourneaux, & ces oiseaux voraces en dépeuplèrent presque tout le pays. Le même auteur ajoute qu’on ramassa plus de 3000 quintaux d’œufs qui furent enterrés ou jetés dans le Rhône ; sans cette précaution, en comptant seulement 25 œufs dans chaque tuyau ou ponte, on auroit eu l’année d’après un million 750,000 individus par quintal d’œufs.

Ce que Mézerai dit des étourneaux doit paroître exagéré à ma plûpart des lecteurs, mais les habitans des provinces maritimes & méridionales voient chaque année les étourneaux passer par bandes innombrables ; si par malheur ces oiseaux se jettent dans une vigne ou sur une olivette, on peut regarder la récolte comme finie.

Je crois que l’espèce de sauterelle qui continue encore ses dégâts dans le Bas-Languedoc, & qui s’y est, pour ainsi dire, naturalisée, est une filiation de celles venues en 1613, car elles ne ressemblent en aucune manière aux sauterelles que j’ai observées dans le reste du Royaume  ; elle est courte, grosse, charnue, sur-tout la partie postérieure de la femelle. Il y a des cantons ou elle est tellement multipliée, que l’on est obligé de payer un certain prix par livre pesante de sauterelles. Cette précaution est très-sage, & prévient un peu leur abominable fécondité. Pour rendre l’opération plus utile, il conviendroit d’accorder la récompense avant le temps de l’accouplement ou de la ponte de l’animal. Autant que j’ai pu l’observer, la ponte a lieu dans les mois d’aoùt & de septembre ; à cette époque toutes les récoltes en grains sont levées, & ces sauterelles se tiennent plus volontiers dans les champs que par-tout ailleurs. La communauté de S. Gilles, dans le Bas-Languedoc, paya en 1787 un sou de la livre de sauterelles, & par le relevé des comptes, on sut qu’on en avoit fait périr 11 ou 1100 quintaux dans ce seul district : c’est d’après M. Amoreux, docteur en médecine à Montpellier, que je cite cette anecdote.

Si la disette des petits grains dans les provinces du midi permettoit d’y élever, comme dans nos provinces intérieures, des troupeaux de dindes, je dirois de les mener matin