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La nature & les effets du scorbut démontrent assez que sa cause prochaine est la coagulation du sang, & la séparation de la lymphe qui, ne s’unissant plus ensemble, lui impriment un degré d’âcreté, qui s’accroissant de jour en jour, dégénère en corruption putride.

Le Meilleur croit que dans le nombre des causes occasionnelles, il n’y en a pas de plus active & de plus énergique, que la suppression de la transpiration insensible. Une infinité de causes peut concourir à sa suppression ou à sa diminution ; telles qu’un air froid & humide, une chaleur très-forte, le séjour dans des lieux froids, humides & mal-sains, où l’air ne se renouvelle que très-rarement ; les tristes affections de l’ame, uns vie oisive & trop sédentaire, les chagrins & les travaux du corps trop long-temps soutenus, la cessation très-prompte des exercices accoutumés, le défaut des fruits, & d’alimens pris dans la classe des végétaux. L’usage des alimens grossiers, visqueux, pourris & durcis à la fumée, celui du vieux fromage, du beurre ranci, la trop modique boisson d’eau douce, le besoin qu’on en a dans les longs voyages de mer, l’excès dans les plaisirs de l’amour, la crapule, l’usage abusif des liqueurs spiritueuse, & la mal-propreté. Le scorbut peut être la suite des maladies chroniques, des fièvres intermittentes anomales, qui ont été mal traitées, de la suppression des menstrues, ou des hémorroïdes, & des fréquentes & grandes hémorragies.

Il faut encore ajouter à cette énumération la mastication & la fumée du tabac en herbe, que Rouppe, Evérard Mayn-Waringe & Gilbert regardent comme une cause très-puissante.

Il n’est pas aisé, dans tous les cas, de distinguer le scorbut de la vérole ; néanmoins il est prouvé que le scorbut affecte plus particulièrement les gencives & les dents. La vérole au contraire établit presque toujours son siège dans les glandes amigdales, sur la luette & le voile du palais ; les ulcères qu’elle produit ne sont ni sanguinolens, ni ichoreux. Le scorbut laisse des taches sur la peau, mais il la met à l’abri des nœuds & des tumeurs ; les douleurs qu’il excite sont plus aiguës & reviennent par intervalles. Dans la vérole, elles sont plus rongeantes, & plus constantes, & redoublent toutes les nuits. Enfin l’urine des vérolés est presque toujours pâle & plus trouble que celle des scorbutiques qui est très-montée en couleur.

Le scorbut n’exerce sa cruauté que sur mer, dans les pays septentrionaux, dans les lieux humides & marécageux, dans les cêtes maritimes, dans le voisinage des étangs, & dans les prisons & autres dépôts publics. Les pays du nord, ceux qui sont fort élevés, en sont à l’abri ; & si on l’y observe quelquefois, c’est toujours sur des personnes sales & mal-propres, qui n’ont aucun soin de leur peau, qui ne la brossent jamais, & qui ne transpirent que peu, ou point du tout. C’est toujours sur celles que des affaires malheureuses tiennent renfermées dans des lieux peu aérés, mal exposes au vent du nord, ou que la misère a forcées à se