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de cette herbe. Lors donc qu’une safranière est exposée à ce gibier, on est obligé de l’entourer avec des palis ou échalats, qu’il faut placer assez serrés pour qu’un lièvre ou un lapin ne puisse y pénétrer… On doit aussi faire la guerre aux taupes ; elles ne mangent point, il est vrai, les oignons, mais elles font des routes souterraines, dont les mulots, les rats & les souris profitent pour arriver aux oignons dont ces animaux se nourrissent.

Lorsque la terre a été bien ameublie par trois ou quatre bons labours, on met les oignons en terre dans les mois de juin, de juillet & d’aoùt. Voici comment cette plantation doit se faire… Un ouvrier, avec la houe ou avec la bêche, ouvre une tranchée ou un sillon de sept pouces de profondeur ; il est suivi par une femme ou par quelque enfant qui arrange les oignons dans cette tranchée à un pouce les uns des autres[1]. Cette première rangée finie, l’homme qui mène la houe ou la bêche, forme un autre sillon & comble le premier, de sorte que les premiers oignons se trouvent recouverts de six pouces de terre. Il a encore l’attention que le second sillon qu’il forme soit assez éloigné du premier, ainsi que les autres, pour que ces rangées d’oignons soient écartées les unes des autres de six à sept pouces. Les ouvriers sont tellement accoutumés à ce travail, que les oignons se trouvent aussi régulièrement rangés que s’ils étoient dirigés par un cordeau, quoiqu’ils ne fassent cette opération qu’à vue d’œil.

Pendant que nous sommes occupés de la plantation du safran, nous devons faire remarquer, 1°. qu’il y a des personnes qui replantent leur safran presqu’aussi tôt qu’ils l’ont arraché, prétendant qu’il en fleurit mieux ; d’autres, qui ont levé leurs oignons en juillet, ne les remettent en terre qu’en septembre, disant que l’oignon qui s’est ainsi desséché est moins sujet à pourrir. Comme nous ne voyons point pourquoi les oignons pourriroient plutôt la première année qu’on les met en terre, que la seconde & la troisième, nous inclinerions pour la pratique des premiers[2].

2°. La plupart mettent leur safran en terre avec leurs enveloppes, d’autres les en dépouillent, parce qu’en voyant le corps de l’oignon à découvert, ils sont en état de rejeter ceux qui sont attaqués de la mort ou de la carie ; (il sera ci-après question de ces deux maladies) ou bien, ils emportent avec un couteau les endroits affectés, si la maladie ne pénètre pas trop avant ; quoique cette opération d’éplucher les oignons ne laisse pas d’être très-longue, nous la jugeons cependant très-utile.

3°. La Rochefoucault dit qu’on peut couper en deux ou trois parties les gros oignons pour en multiplier le nombre. Nous convenons bien que si l’on coupe en plusieurs portions un gros oignon, il pourra faire des productions, pourvu que l’on ait eu l’attention de le couper de façon que chaque portion d’oignon ait un mamelon d’où doivent sortir les feuilles & les fleurs. Néanmoins

  1. En Angoumois on les plante à trois pouces les uns des autres.
  2. C’est au mois de mai qu’on lève de terre l’oignon dans l’Angoumois.