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que je n’ai jamais été dans le cas de suivre en grand, & avec l’attention nécessaire, l’étude de la construction & de la conduite des serres chaudes.

Si l’orangerie, dit M. l’abbé Nolin, nous procure la jouissance des plantes des climats tempérés, compris entre le 36e & le 43e degré de latitude, la serre-chaude nous procure celle des plantes des pays les plus chauds, qui y trouvent non-seulement un abri contre le froid, l’humidité & l’intempérie du nôtre, mais la chaleur de la patrie dans l’air qui les environne & dans la terre où elles sont plantées ; de sorte que plusieurs y prennent le même accroissement & y font les mêmes productions que dans leur sol natal, & paroissent à peine sentir leur exil. Mais la bonté d’une serre chaude dépend de plusieurs conditions dont nous allons donner quelques notions.

I. Situation. Il faut choisir pour l’emplacement d’une serre, un endroit défendu du vent du nord, même de celui de l’est, par quelque hauteur, par un bois, par des bâtimens peu distans ou contigus à la serre. Elle perdroit beaucoup de l’avantage de ces abris, si d’autres montagnes, bois & bâtimens, même assez éloignés du côté du sud & de l’ouest, non-seulement réfléchissoient sur elles les vents froids, mais lui envoyoient une humidité aussi nuisible aux plantes que le froid. Sa situation seroit la pire de toutes, si, ayant ces abris du côté du midi & du couchant, elle n’en avoit aucun du côté du nord. & du levant. On sait assez combien la différence des situations avance ou retarde la végétation des plantes, contribue à leur vigueur & a la qualité de leurs productions.

Ainsi, je préviens le lecteur que lorsque l’on indique que les plantes délicates veulent être tenues constamment dans la serre, & que d’autres peuvent être exposées en plein air pendant l’été, ce conseil ne doit pas être regardé comme une règle invariable, mais comme susceptible de modifications suivant les climats, & suivant que les situations sont plus ou moins avantageuses. Tous les cultivateurs ont coutume de tenir toujours les cassis dans la serre, effrayés sans doute de l’avis du célèbre Miller, qui menace cet arbrisseau, s’il ose en sortir pendant l’été, d’une mort certaine au plus tard l’hiver suivant. Cependant M. le comte de Noyan, dont les jardins, près de Dol en Bretagne, sont fort bien situés, mais environnés de futaie qui y répand un peu d’humilité, fit sortir de sa serre, au mois de juin 1786, deux jeunes cassis. Ils poussèrent très-bien, fleurirent, retinrent du fruit qui est venu à bien, rentrèrent en très-bon état dans la serre au commencement d’octobre, & ils y ont passé l’hiver en assez bonne santé pour être de nouveau exposés en plein air dès la fin d’avril 1787 : il y avoit de la témérité ; car toute cette année a été froide & pluvieuse les gelées ont persévéré jusqu’à la fin du printemps ; la nuit du 6 au 7 juin, il en a fait une si forte, qu’elle a ruiné en plusieurs endroits les haricots, les oignons & d’autres légumes, beaucoup de figues & de fruits qui avoient résisté jusqu’alors ; presque toutes les nuits de l’été ont été froides & très-peu de jours, ont été chauds ; aussi ont-ils