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un peu souffert de ces gelées tardives ; mais en peu de temps ils se sont rétablis ; ils ont très-bien végété, fleuri, & noué du fruit, qui au commencement d’octobre, lorsqu’ils ont été remis dans la serre, étoient presque aussi gros, aussi avancés que celui de leurs frères qui ont passé l’été bien clos & bien couverts. J’ai fréquemment sous les yeux d’autres cassis qui ont été exposés en plein air depuis le mois de juin jusqu’au 10 octobre dans une des meilleures situations que je connoisse. Ils ont fait de longues & vigoureuses pousses, malgré les intempéries de cette année. Près de ces cassis, des ananas ont passé dix mois depuis décembre jusqu’en octobre, dans une couche dont le tan n’a été ni remanié, ni même remué une seule fois. Les panneaux vitres ont été ouverts tous les jours souvent jusqu’au coucher du soleil. Ces ananas ont tellement profité, que j’estime qu’ils ont pris au moins six mois d’avance sur d’autres plantés en même-temps qui ont été tenus dans la tannée d’une serre. De ces exemples, auxquels je pourrois en ajouter beaucoup d’autres, j’infère que la situation est un des points des plus importans pour une serre chaude, & que plusieurs plantes étrangères qui sont entretenues dans un état de langueur & de foiblesse par trop de soins & de ménagemens, pourroient acquérir de la force & du tempérament, si elles étoient traitées moins délicatement. Toutefois, je n’invite pas les cultivateurs à faire des essais sur des plantes rares & précieuses, dont la perte seroit difficile a réparer[1].

L’aire ou le pavé d’une serre doit

  1. Note du Rédacteur. Il convient de tirer parti en grand de l’exemple cité par l’auteur qui écrit à Paris ; il est clair que plus l’exposition est abritée, que plus elle approche géographiquement de nos provinces du midi, & moins les serres chaudes deviennent nécessaires jusqu’à un certain point. Par exemple, dans les serres chaudes du Jardin du Roi de Montpellier, on peut compter beaucoup d’hivers où les fourneaux ne sont pas allumés, & on peut ajouter que presque toutes les plantes des pays les plus chauds, passent l’été hors de la serre. Ainsi, en partant de ces extrêmes pour la France, c’est-à-dire, du climat de Montpellier avec celui de Paris ou de Lille en Flandre, plus septentrional, il est important d’observer un grand nombre de modifications pour le séjour des plantes dans la serre, & il n’est pas possible de l’indiquer. Un exemple va le prouver. Dans la province de Bilbao en Espagne, il y fait trop froid pour que le raisin y mûrisse, tandis qu’à Nice, à Gênes, &c. plus septentrionaux de près de trois degrés, l’oranger est cultivé en pleine terre. Dans le Baillage de l’Aigle, au pays de Vaux en Suisse, L’amandier, le grenadier, la vigne y bravent les hivers, tandis que le sommet de la montagne qui couvre ce pays est à la température du climat de Suéde. Il faut donc plus étudier les abris que les rapprochemens du midi. Les bassins des rivières ont formé des abris ; le grand point est de bien connoître sa position, & calculer après elle l’intensité de chaleur du pays, & par conséquent le temps que les plantes peuvent rester hors de la serre. Encore un exemple. Il est rare qu’aux premiers jours de Novembre, on ne ressente pas en Languedoc, au bord de la mer, des nuits froides, & souvent accompagnées d’un peu de glace, tandis que (pour l’ordinaire) la chaleur s’y soutient pendant tout le reste de ce mois à 8 ou 10 degrés. Il est donc à propos de bien étudier les effets des localités. En général les plantes de serres chaudes craignent plus l’humidité qui les y fait pourrir, que le froid. L’exemple cité de la Bretagne ne doit pas, absolument parlant, servir d’analogie pour le climat de Paris.