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Comme dans la première année la terre n’est pas fournie de toute la quantité d’oignons qu’elle pourroit nourrir, la récolte des fleurs n’est pas abondante. Elle devient beaucoup plus avantageuse dans la seconde année, & il y a encore plus de fleurs à recueillir dans la troisième ; mais elles ne sont pas ordinairement aussi belles que celles de la seconde, parce que le terrain commence alors à se trouver surchargé : c’est pour cette raison qu’on lève les oignons dans la quatrième année. Un demi-arpent fournit ordinairement assez d’oignons, pour en planter un en plein[1].

La Rochefoucault propose de ne lever les oignons que dans la cinquième année, mais crois qu’il y auroit à craindre qu’ils ne se trouvassent alors trop pressés les uns par les autres & ne fussent très-petits. Six boisseaux d’oignons en ont produit treize en deux ans, & cinq boisseaux en ont fourni vingt en quatre ans.

Quand les hivers sont doux, il y a de l’avantage à ne planter les oignons qu’à cinq pouces de profondeur, parce que les fleurs pourront plus aisément sortir de terre ; mais comme les oignons de safran sont sensibles à la gelée, & que chaque année ils s’élèvent de leur épaisseur, c’est-à-dire d’environ un pouce, il vaut mieux, pour éviter de les perdre lorsqu’il arrive un hiver rude, les placer à sept ou huit pouces de profondeur.


§. II.

De la récolte du safran.

Les fleurs de safran se montrent plutôt ou plus tard, suivant que les automnes sont sèches ou humides, chaudes ou froides. Quand sur la fin de septembre il survient des pluies douces & qu’il s’y joint un air chaud, les fleurs paroissent avec une abondance extraordinaire. Tous les matins les champs semblent être recouverts d’un tapis gris de lin. C’est alors que les paysans n’ont de repos ni jour ni nuit ; mais il arrive, malgré tous les soins que l’on se donne, qu’ils perdent une partie de leurs fleurs, sur-tout quand il survient des vents qui les mûrit ou la pluie qui les fait pourrir. Ces tristes circonstances se réunirent en 1753. Il y eut alors une prodigieuse quantité de fleurs perdues, quoique l’on donnât 50 sous pour éplucher une livre de safran vert. Ce qui augmentoit encore l’embarras de cette récolte, étoit qu’elle se rencontra dans le même temps que les vendanges, qui, cette année, furent tardives. Il y a au contraire des années ou les safrans ne paroissent qu’après les vendanges faites, & où les fleurs ne se montrent que les unes après les autres : alors, comme, la récolte du safran dure plus longtemps, on a le loisir de tout éplucher sans laisser rien perdre. Je me souviens, continue M. Duhamel, qu’une

    terre à une certaine profondeur, tandis qu’elles n’épuisent pas les sucs contenus dans la partie supérieure. C’est pourquoi le froment, & toute espèce de plante à racines chevelues, réussissent très-bien après la soustraction des plantes à racines pivotantes.

  1. On compte dans l’Angoumois que pendant le premier hiver un oignon en reproduit jusqu’à trois, & qu’après l’hiver suivant on en compte jusqu’à sept ou huit.