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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/22

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année il survint de fortes gelées après que les premières fleurs eurent été épluchées, & que l’on fut plus de quinze jours sans en voir paroître de nouvelles. On croyoit alors que la récolte étoit finie ; mais le temps s’étant adouci, les fleurs reparurent les unes après les autres, de sorte que la récolte se trouva assez bonne. Ordinairement la récolte du safran dure trois semaines ou un mois ; pendant ce temps les hommes & les femmes surtout vont dès la pointe du jour dans les champs avec des paniers & des manes garnies d’anses. Ils écartent les jambes, & placent leurs pieds entre les rangées de safran : ils en cueillent les fleurs en les rompant au-dessous de leur bassin, & quand ils en ont rempli leur main droite, ils les mettent dans le panier qu’ils tiennent de la main gauche. Lorsque le panier est plein, on verse doucement les fleurs, soit dans les manes, soit dans de grands paniers garnis d’anses, dans lesquels on les transporte dans la maison.

On doit cueillir les fleurs de safran aussitôt qu’elles paroissent, & même avant qu’elles soient épanouies. Si l’on différoit plus longtemps, elles seroient plus difficiles à éplucher ; & comme ces fleurs passent promptement, on commence à les cueillir avant que la rosée du matin soit dissipée, Quand on est dans le fort de la récolte, on cueille encore les fleurs le soir ; cependant celles du matin sont toujours plus fermes, car il paroît que le safran, qui est une plante automnale, croît plus pendant la nuit que pendant le jour,

La Rochefoucault recommande de couper les fleurs avec l’ongle, parce qu’il observe que si on les rompt au lieu de les couper ainsi, le pistil reste, & que la fleur que l’on emporte à la maison se trouve vide. Il ajoute que l’eau s’insinuant par cette rupture, pourrit par la suite l’oignon… Les paysans du Gâtinois ne coupent point les fleurs avec les ongles. Après les avoir saisies près de terre, entre le pouce & le milieu du second doigt, ils plient la fleur & la rompent aisément. De cette façon le pistil ne reste jamais attaché à l’oignon, & on ne s’aperçoit point que ces oignons pourrissent. Les ouvrières que l’on emploie à cette cueillette, exécutent cette opération avec tant d’adresse & de promptitude, que l’œil peut à peine suivre la main d’une cueilleuse.

Quand il n’est pas possible d’éplucher sur le champ toutes les fleurs que l’on a cueillies, on les étend sur le plancher d’un grenier, & par ce moyen elles se conservent d’un jour à l’autre : sans cette précaution elles s’échaufferoient, & il ne seroit presque plus possible de les éplucher.

Aussitôt que les fleurs ont été transportées à la maison, on les répand sur de grandes tables autour desquelles sont assises des éplucheuses qui ont à leur côté droit une assiette. Elles prennent chaque fleur de la main droite ; elles les portent à la main gauche qui la saisit à l’endroit où commence l’évasement du tuyau, Elles coupent le pétale à cet endroit, après quoi saisissant de la main droite un des stigmates, elles le jettent tous trois ensemble sur l’assiette… Les habiles éplucheuses coupent le pistil environ deux ou trois lignes au-dessous des stigmates ; sans cela