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Suivons les accroissemens de la plante. Jusqu’à ce moment, cette merveilleuse opération s’est passée sous terre, & pour ainsi dire, cachée à nos yeux. La radicule s’est implantée dans le sol inférieur ; la plantule traverse le supérieur, & perce à sa surface. Cet embrion des feuilles & des tiges qui naîtront, est sans couleur, il n’a vécu que de lait ; mais à peine ce germe est-il hors de terre, que la lumière du jour le colore, que la chaleur agit directement sur lui. C’est ici où commencent les secondes grandes métamorphoses, & des principes du grain, & des principes de la sève… La sève est mise en mouvement, la chaleur du jour la fait monter dans toutes les parties de la plante ; la fraîcheur de la nuit arrête ce mouvement, & la contraint de descendre aux racines. Pendant le jour, elle se fortifie par les sucs pompés de la terre, & pendant la nuit, par ceux qu’elle absorbe de l’air atmosphérique. (Consultez le mot amendement) Pendant le jour, la sève est élaborée & purifiée par une très-forte transpiration, & ce grand moyen de la nature pour opérer des sécrétions, & presque unique dans les plantes, n’a pas lieu pendant la nuit. Quelques plantes font exception à cette loi ; la belle de nuit, par exemple, présente l’inverse de cette marche.

Dans la première époque, celle de la germination, la plante ressemble à l’enfant à la mammelle ; dans la seconde, c’est l’enfant considéré depuis le berceau, jusqu’au moment d’être adulte. Ici les progrès de la végétation s’arrêtent pendant quelques jours, les sécrétions sont plus abondantes, le sève travaille plus sur elle-même, pour se purifier, se perfectionner ; enfin la fleur va paroître ; elle paroit, & la fécondation des graines s’opère. Que la marche de la nature est belle ! Combien de préparation la sève n’a-t-elle pas eu à subir dans les différentes filières par où elle passe & par où elle s’épure ? (Consultez le mot greffe-feuilles) Que de merveilles se présentent aux yeux de l’observateur ! L’amateur ne voit dans la fleur, que la beauté de sa forme & de ses couleurs ; le cultivateur y trouve l’espérance d’une abondante récolte, & le philosophe y découvre la main de l’éternel, qui manifeste sa grandeur jusque dans les plus petits objets. Humble Véronique des prés, apprends-moi, comment une sève savonneuse, a pu colorer en un si beau bleu, ton élégante & petits fleur qui se cache sous l’herbe ! L’homme admire, ne le comprend pas, & avoue son ignorance.

La graine est fécondée ; ici commence la dernière révolution de la sève. On sera étonné, si on considère le peu de temps qui s’écoule, depuis le moment de la fleuraison du froment, jusqu’à la maturité de sa graine. Pourquoi cette plante reste-t-elle pendant près de sept mois en état herbacée ? C’est que la sève à du s’épurer par la transpiration de toutes ses parties grossières ; c’est que cet épurement ne peut être complet, qu’à mesure que les tubes par où coule la sève, diminuent de diamètre, & n’offrent de passages qu’a ses parties les plus atténuées. Les tiges du froment en offrent la preuve la plus sensible. Elles sont creuses, & de distance en distance, séparées par un diaphragme, qu’on appelle nœud. Si on considère attentivement, ces