Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/366

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que ceux du midi. Il résulte de ce qui vient d’être dit que les tabacs cultivés dans les départemens méridionaux de France, seront supérieurs pour la qualité à ceux du centre ; ceux-ci à ceux du nord, enfin que la progression en bonté tient à la plus grande intensité de chaleur du climat. Mes expériences, quoique faites en petit, m’ont prouvé, je le répète, ces vérités, qui dans peu seront portées par la liberté de culture à la plus grande évidence. On cultivoit librement autrefois le tabac dans le canton d’Avignon ; il étoit recherché & préféré à tous égards à celui de Hollande, de Flandre, &c. Ce fait que personne ne peut nier, confirme mes assertions.

Je vois en grand deux climats bien décidés en France ; j’en trouve la démarcation tracée par la main des hommes, & ils l’ont faite sans s’en douter. Si on tire une ligne de l’est à l’ouest du royaume, en passant par Tournu & par Châtelleraud, on voit dans ces deux villes & sur toute cette ligne, que les toits des maisons ont deux caractères bien significatifs, les uns sont à pentes rapides, semblables à ceux des villes du nord, & la pente des autres n’est que d’un pied par toise de longueur ; c’est-à-dire, que les maisons bâties sur cette ligne de plus de cent lieues de longueur, sont sur les confins du climat où il tombe beaucoup de neige, & du climat où il en tombe beaucoup moins. En effet, hors de cette ligne la toiture est la même dans l’un ou dans l’autre climat. Outre cet exemple, on convient que les climats en-dessus de la ligne ou en-dessous, sont différens, & que la différence augmente de l’une & l’autre part, en raison de l’éloignement. Je ne parle pas de quelques positions particulières qui rendent un canton ou plus chaud ou plus froid que le canton voisin ; les exceptions ne sont d’aucun poids, quand il convient de considérer l’objet en grand. Ce que j’ai dit de cette ligne de démarcation, s’applique de lui-même à la qualité qui sera inhérente à la plante de tabac cultivée dans l’un ou l’autre climat ; enfin, qualité proportionnée à l’éloignement de la ligne de démarcation. Le climat sera au tabac ce qu’il est pour le vin. Plus le pays sera méridional, plus sa qualité acquerra de valeur.

5°. La qualité dépendra encore de la nature du sol. J’en suis moralement convaincu, quoique l’expérience ne m’ait donné aucune certitude sur ce point. Je considère la manière d’être de la racine du tabac ; je la trouve très-chevelue ; je lui connois une forte végétation ; je la vois déployer de larges & longues feuilles : j’ai donc le droit de conclure que cette plante aime les terrains légers, mais nourris, mais substantiels, & qu’elle doit effriter la terre, si on ne répare pas ensuite sa perte en principes par d’abondans fumiers. La culture du tabac, dit-on, engraisse les terres. Cette assertion me paroît difficile à croire, parce que la racine est peu pivotante & très-fibreuse ; les débris de la plante que l’on laisse sur le champ ne sont pas assez considérables pour lui rendre en principes autant que la récolte en a enlevés. Cependant si on le contente de cueillir un petit nombre de feuilles, & si ensuite on enfouit dans la terre tout ce qui reste de