Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/399

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excellent ouvrage, intitulé : École du Jardin fruitier, & que la reconnoissance engage souvent à citer, est le premier qui ait présenté des idées claires & précises sur cet objet. En bon observateur de la nature, il a vu que les bourgeons, à mesure qu’ils se développoient, conservoient jusqu’à un point donné, la même grosseur, le même écartement d’un bouton à un autre ; que vers la fin de la première fougue de la sève, les boutons de l’extrémité des bourgeons devenoient plus serrés, plus rapprochés ; que la grosseur des bourgeons commençoit à diminuer sensiblement ; enfin que le bourgeon s’allongeoit par la suite sur une grosseur moindre que dans le commencement. C’est à cette ligne de démarcation, presque toujours bien prononcée aux yeux de l’homme accoutumé à voir, que M. de la Bretonnerie assigne la dénomination du fort au foible. La partie inférieure est le fort, & la supérieure est le foible. « C’est, dit-il avec raison, entre le fort & le foible de chaque branche ou bourgeon qu’on doit les couper ou tailler toutes précisément ; ce qui se trouve ordinairement depuis un œil pour les plus foibles, et jusqu’à trois ou quatre pieds pour les plus fortes ou les gourmandes. On ne sauroit s’y tromper, puisque c’est où la sève commence à diminuer, qu’on est assuré d’avoir pris un juste milieu entre une taille trop longue qui énerve l’arbre, & une taille trop courte qui le retient ; ce qui équivaut & revient au détail de tout ce que l’on peut dire sur la taille des branches fortes, demi-fortes & foibles. Il n’y a donc qu’une seule bonne méthode de tailler les arbres fruitiers : c’est de l’ignorance de tout bon principe, que naît l’incertitude de nos jardiniers qui taillent à tout hasard, tantôt trop long, tantôt trop court, sans égard à la force des branches, sans juste mesure, sans savoir ce qu’ils font, ni d’où provient le dépérissement précipité des arbres, & la perte de tous nos fruits. »

D. Taillez-vous toujours ainsi, soit sur l’espalier, soit sur l’éventail, le gobelet, la pyramide ou quenouille ?

R. Oui, pour les espaliers, éventails & gobelets, & non pour les arbres en pyramides ou quenouilles, parce que le mode de leur conduite s’écarte de toutes les lois de la nature. Si on suivoit cette taille, leur forme ressembleroit bientôt à celle d’un peuplier d’Italie, & comme chaque bourgeon affecteroit la ligne perpendiculaire, on n’auroit point de fruit sur les francs, & très-peu sur les coignassiers & paradis. Quant aux autres, je vous ai indiqué les cas où il convient de s’écarter de la taille du fort au foible ; par exemple, lorsqu’un côté d’espalier & d’éventail l’emporte sur l’autre ; lorsqu’un gobelet offre la même défectuosité, ou lorsque sur ce gobelet il convient de garnir une place, enfin de le rendre plus ou moins tirant ; il est certain, par exemple, que lorsqu’on établit un gobelet sur un jeune arbre, si toutes ses pousses sont égales en force, chaque année le fort & le foible désigneront la hauteur qu’ils doivent garder ; & ainsi d’année en année, ils désigneront la distance d’une bifurcation à la bifurcation suivante ; parce que les deux yeux du sommet des branches de la fourche seront les plus