Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/40

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tomne ; ignorant les efforts & les ressources de la nature pour conserver l’économie animale & rétablir les dérangemens, ils se flattent de trouver des secours d’autant plus efficaces, qu’ils sont appliques plus promptement. Parmi ces secours ils donnent le premier rang à la saignée. Croyant voir par tout un sang vicié ou trop abondant, qu’il faut évacuer au moindre signal, dans la crainte de je ne sais quelles inflammations, putréfactions, &c, ils le versent avec une profusion qui prouve qu’ils sont incapables de soupçonner qu’en enlevant le sang, ils détruisent les forces nécessaires pour conserver la santé ; ils donnent lieu à des stases, des obstructions, au défaut de coction, aux maladies chroniques & à une vieillesse prématurée. Saigner, selon eux, est une affaire de peu de conséquence, & dont tout homme raisonnable peut être juge par sa propre sensation, dont il est difficile qu’il mésarrive. On diroit que, réformateurs de la nature, ils lui reprochent sans cesse d’avoir trop rempli leurs vaisseaux de sang. Tant que le sujet saigné par précaution jouit de toutes les forces d’un âge moyen, on s’aperçoit peu de ces fautes ; mais bientôt un âge plus avancé met dans le cas de s’en repentir, & interdit un remède qu’on n’auroit peut-être jamais dû mettre en usage.

Le second abus se trouve dans les saignées qu’on fait précéder sous le nom de remèdes généraux avec les purgatifs, aux remèdes particuliers, lorsqu’il n’y a point de contre-indication grave. Abuser ainsi de la facilité qu’on a d’ouvrir la veine, c’est regarder la saignée comme indifférente & par conséquent inutile ; c’est du moins être esclave d’une mode si fort opposée à tous les principes de la médecine, qu’elle est ridicule. Une conduite aussi erronée fuit tous les raisonnemens, parce qu’elle n’est appuyée sur aucun ; & tout médecin vétérinaire sensé doit rougir d’avouer d’avoir saigné l’animal qu’il soigne, par cette seule raison qu’il vouloit le purger, lui faire prendre des sudorifiques, qu’il falloit donner du large & du jeu à ces médicamens. De semblables maximes ne furent pas même enseignées par Botal. Mais la plupart des jeunes gens qui sortent des écoles vétérinaires, ne se livrent que trop souvent à l’aveugle routine de quelques-uns de leurs confrères, & au goût des personnes qui les appelent pour soigner leurs animaux. « Il seroit à désirer pour le bien public, que tous les élèves qui entrent dans les écoles vétérinaires, fussent à même de lire les ouvrages de médécine concernant la saignée, qui méritent d’être lus ; ils les détourneroient d’une méthode meurtrière, qui, en assombrissant les organes, précipite inévitablement, d’un temps plus ou moins long, la vieillesse ou la mort ». Mais c’est trop discuter une pratique aussi peu conséquente ; tâchons d’établir sur ses ruines, des principes adoptés par la plus saine partie des médecins.

Si nous cherchons dans les causes des maladies l’indication de la saignée, nous trouverons que la trop grande abondance de sang, la pléthore générale ou particulière, & sa consistance trop épaisse, couenneuse, inflammatoire, sont les deux seules qui exigent ce remède. La saignée agit dans ce premier cas, par l’évacua-