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dans peu le sang qu’on croit surabondant, se trouvera être en trop petite quantité. Les hémorragies critiques leur servent de preuve, & ne sont que le principe de l’illusion, parce qu’ils négligent de faire attention, que pour que les évacuations soient salutaires, il faut qu’elles soient faites dans les lieux & dans les temps convenables ; qu’elles ne doivent pas être estimées par leur quantité, mais par leur qualité ; & qu’enfin les hémorragies surviennent souvent fort heureusement, malgré les saignées répétées.

Tout ce que nous avançons ici aura l’air paradoxal pour plusieurs, jusqu’à ce qu’ils l’aient comparé avec l’observation qui nous doit tous juger.

Après avoir puisé les indications de la saignée dans les causes, cherchons-les dans les symptômes qui annoncent la pléthore & la consistance inflammatoire.

La nourriture abondante & de bonne qualité, le peu d’exercice auquel certains animaux sont assujettis, donnent fréquemment lieu à la pléthore générale, qu’on reconnoît par la difficulté qu’ils ont à se mouvoir, l’assoupissement, la force, la dureté & le gênement du pouls. La pléthore particulière a pour signe la tumeur, la chaleur, quelquefois pulsative & fixe d’une partie. La consistance inflammatoire doit être soupçonnée toutes les fois que l’animal nous paroît atteint d’une fièvre aiguë ; on n’en doutera plus, si les symptômes sont graves, & le sujet pléthorique. Dans ces deux cas, la partie rouge surabonde, la nature, lorsqu’il y a pléthore, se débarrasse de la portion du sang la plus ténue, du sérum qui peut plus aisément enfiler les couloirs excréteurs ; pendant que la plus épaisse est continuellement fournie, accrue par des fourrages trop nourrissans, trop abondans, ou que faute d’exercice elle n’est pas décomposée ou évacuée.

Lorsque la pléthore est légère, la diète & l’exercice sont un remède bien préférable à la saignée ; mais, parvenue à un certain point, elle exige qu’on diminue subitement la trop grande proportion de la partie rouge avec la sérosité, dans la crainte de voir survenir des hémorragies, des stases, des épanchemens mortels ou du moins dangereux, des anévrismes, des apoplexies, & des inflammations, se former dans les parties du corps dont les vaisseaux sanguins sont le moins perméables. Cette pléthore exige qu’on tire du sang par une large ouverture, de la jugulaire, si elle est générale, & de la partie malade, si elle est devenue particulière. Cependant, si on ne se précautionne pas contre les retours en en évitant les causes, ou la verra revenir d’autant plus vite, d’autant plus fréquemment, qu’on aura davantage accoutumé l’animal malade à la saignée. La nature se prête à tout, elle suit en général le mouvement qu’on lui imprime. Tirer souvent du sang, c’est lui en demander une réparation plus prompte ; mais qu’on ne s’y trompe pas, il y a toujours à perdre ; la quantité de sang croitra par la dilatation des orifices des veines lactées, par une moindre élaboration, par des excrétions diminuées ; le sang ne sera donc jamais aussi pur qu’il l’eût été, si on en eût prévenu ou corrigé l’abon-