Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dance par toute autre voie que par la saignée. Ménageons donc une liqueur précieuse à tout âge, mais spécialement dans le plus tendre comme dans le plus avancé ; n’ayons recours à la saignée que dans les cas où le mal est inguérissable par tout autre remède, & dans ceux qui présenteroient trop de danger à tenter d’autres moyens.

Lorsque la fièvre se déclare avec la pléthore, les dangers augmentent ; & on doit alors, dans la crainte des inflammations, des hémorragies symptomatiques, &c., qui ne tarderoient pas d’arriver, tirer du sang pour les prévenir : mais sans pléthore générale ou particulière, ou sans inflammation, on ne doit faire aucune saignée C’est une maxime qui nous paroît démontrée par l’observation des animaux malades abandonnés à la nature, comparée avec celle des fièvres qu’on croit ne pouvoir appaiser qu’en versant le sang, comme si c’étoit une liqueur qui ne pût jamais pécher que par la quantité ; comme si la soustraction de sa plus grande partie, & l’abattement des forces qu’elle procure, étoient des moyens plus sûrs de le dépurer, que la coction que la nature fait de sa portion viciée. Nous aurons lieu d’examiner la pléthore particulière, en parlant du choix des vaisseaux : passons aux inflammations.

Il est tellement faux que toute inflammation exige des saignées répétées dans ses différens temps, que, sans parler de celles qui sont légères, superficielles, nous avançons hardiment qu’elles nuisent dans plusieurs qui sont graves & internes, & qu’il en est même dans lesquelles elle est interdite. C’est ici où nous répétons qu’il seroit à désirer pour le bien public, que tous les élèves des écoles vétérinaires fussent à même de lire les ouvrages de médecine concernant la saignée, qui méritent d’être lus. S’ils croient qu’abandonnés à une hypothèse, nous en suivions les conséquences sans prendre garde à l’expérience des grands médecins, au moins ils pourroient consulter les ouvrages de ceux qui n’ont pas été livrés, comme Botal, avec fureur à la saignée ; ils verroient avec le même étonnement que M. Paul, correspondant de la société royale des sciences, qu’un ancien médecin d’hôpital, qui se croyoit lui-même un Hippocrate, a fait saigner un pleurétique jusqu’à trente-deux fois. Le malheureux succomba à la perte de son sang, lorsqu’il ne lui en resta plus dans les veines, & le vieux docteur, qui ne se reprochoit rien, dit froidement & gravement en apprenant sa mort : il fallait sans doute que cette pleurésie fût indomptable, puisqu’elle n’a pas cédé à tant de saignées. Mais en lisant Baillou, praticien aussi sage qu’heureux & éclairé, qui exerçoit la médecine dans le pays où la mode & les faux principes ont voulu que la saignée répétée jusqu’à douze, quinze, vingt & trente-deux fois, fût le remède des inflammations ; ils sauroient qu’il est un grand nombre de pleurésies & de péripneumonies (maladies qui exigent plus que les autres la saignée) dans lesquelles elle est nuisible : ils apprendroient partout que la pléthore, & le temps de l’irritation passés, on doit fuir toute perte de sang comme le poison le plus dangereux ; qu’elle trouble la coction, qu’elle empêche même la dépuration, & qu’elle est propre à