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sur le feu des chaudron pleins d’eau bouillante, dans laquelle, sur deux pintes, on aura fait dissoudre une livre de sel de cuisine ; on prendra environ trois pintes de cette eau bouillante & salée, que l’on vuidera dans chaque tonneau, supposé contenir deux cent trente à deux cent cinquante pintes, & on proportionnera la dose de cette eau, à la contenance supérieure des vaisseaux : on bouche ensuite exactement le tonneau ; on l’agite en tout sens ; on le roule, afin que l’eau touche tous les points de la surface intérieure ; ensuite on le dresse sur un de ses fonds ; une heure après, on le roule de nouveau ; on l’agite & on le retourne sur l’autre fond. La même opération est répétée cinq ou six fois ; ensuite on vuide l’eau pour y substituer du moût bouillant ; comme il sera dit ci-après.

Cette eau bouillante & salée produit deux grands avantages.

1o. Comme le vaisseau est exactement bouché, elle raréfie fortement l’air qu’il contient ; cet air tend à s’échapper par la plus petite gerçure, & fait connoître les endroits où le bois est piqué, où les douves joignent mal, & découvre jusqu’à la plus petite issue ; de manière que si le tonneau est mal fabriqué, on le met de côté pour le rendre au tonnelier.

2o. L’eau salée & bouillante dissout beaucoup mieux la substance mucilagineuse, savonneuse & colorante du bois, au moins, jusqu’à une certaine profondeur ; la partie saline se niche dans ses pores, y fixe le reste de la partie astrictive & de la partie colorante ; enfin, le vin dont on remplira ce vaisseau aura moins d’action sur elles.

Je préférerois l’alun dissous dans l’eau bouillante, au sel de cuisine, si le premier n’étoit pas plus cher. Cependant, si on récolte des vins fins & précieux, ce seroit une économie mal entendue, d’employer le sel marin.

Plusieurs particuliers suppriment le sel & font bouillir avec l’eau des feuilles de pêcher ou de telles autres plantes aromatiques. Ces apprêts masquent pour un temps l’astriction & la mauvaise odeur du bois, mais ils ne les diminuent en aucune manière, parce qu’ils n’occasionnent aucune dissolution. Je pourrois rapporter ici une longue suite d’expériences sur ce point. Aucune n’a eu un caractère plus décidé que celle du sel & le plus frappant a été produit par l’alun. Continuons.

Il est dangereux de laisser refroidir cette eau salée ou alunée dans le tonneau. Cinq ou six heures après qu’elle y a été mise, on égoutte le vaisseau, & on la remplace aussitôt par une ou deux pintes de moût bouilli & bouillant, qu’on a eu grand soin d’écumer pendant qu’il étoit sur le feu. On bouche exactement, on agite, tourne & retourne le tonneau, comme il a été dit ci-dessus. Ce moût peut, sans inconvénient, refroidir dans le vaisseau, & même y rester pendant quelques jours. Au moment de ranger les tonneaux sur le chantier, on égoutte les barriques, on les rebouche, & le moût qu’on en retire, est mis à part & sert à bonifier le petit vin ou vin de marc. Les barriques sont ensuite exactement bouchées, mises en chantier & prêtes à recevoir le vin nouveau.

Quant aux tonneaux qui ont déjà contenu du vin, il suffit, avant la