Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/467

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vendange, de les faire défoncer d’un côté, afin d’en retirer les vieilles lies desséchées, que l’intérieur soit ratissé & dépouillé des dépôts tartreux, enfin qu’ils soient reliés suivant leurs besoins. La veille de s’en servir, on y jettera de l’eau bouillante sans sel, pour que le bois se gonfle ; cette eau sera retirée quelques heures après, & remplacée par un peu de moût bonifiant. Enfin, celui-ci vuidé, on remplira avec du vin nouveau. On est assuré, en suivant ces précautions, que le vin ne contractera jamais de mauvais goût ; mais il faut convenir que ces précautions ne le garantiront pas du goût de fût.

Une seule douve infectée suffit pour gâter, en peu de jours, tout le vin d’une barrique. Les vignerons, les marchands de vin ne se trompent jamais sur ce goût, plus facile à sentir qu’à décrire. Il ne ressemble ni à celui du vin poussé ou pourri, du vin moisi ni argilleux ; & s’il est possible de le comparer à quelque chose, c’est à la saveur & l’odeur désagréable, que les fourmis impriment tout ce qu’elles touchent. Si le tonnelier flairoit chaque douve en particulier, l’habitude lui feroit remarquer la douve défectueuse, & il ne l’emploiroit pas, & ne s’exposeroit pas à avoir dans la suite des difficultés avec l’acheteur de sa marchandise ; mais comment exiger de pareils soins de cette classe d’hommes ? On a cherché vainement l’origine de ce goût de fût concentré dans une douve plutôt que dans une autre, & un remède réel ou palliatif à la détérioration qu’elle y cause.

M. Willermoz le jeune, médecin à Lyon, & qui joint aux connoissances de son art, le génie de l’observation, a donné une solution satisfaisante du problème.

Il observe que le goût de fût se communique au vin nouveau, lorsqu’il est mis dans une barrique dont plusieurs douves, ou même une seule, est fûtée ; que ce goût se manifeste fortement dans moins d’un mois, ou bien, lorsqu’après avoir soutiré du vin de dessus sa première lie, on laisse cette lie dans le tonneau, & quand le bondon reste ouvert. Souvent le vin qui est ensuite mis dans ce vaisseau, même après l’avoir rincé & enlevé la lie, y contracte le goût de ffût. L’auteur prouve, 1°. que l’altération du bois provient de sa propre sève dont la partie gélatineuse & la glutineuse se putréfie, sans que la texture des fibres ligneuses soit détériorée : 2°. que le goût proprement dit de fût, n’affecte que les bois & les écorces dont la sève contient éminemment des principes astringens ; dans les autres bois, cette altération est nommée moisissure, chansissure ; les tonneaux faits de bois de mûrier, d’érable, &c. ne communiquent jamais le goût de fût : 3°. que la putréfaction de la portion gélatineuse de la sève, auparavant desséchée dans le bois après sa coupe, est dissoute de nouveau, ou par l’eau, ou par l’humidité, & que l’un & l’autre la conduisent au genre de putridité propre à la sève des bois astringens : 4°. que le goût du fût est beaucoup plus commun dans les douves, lorsqu’elles ont été long-temps tenues dans un air moffétisé, & que cet air agit singulièrement sur la partie gélatineuse de la sève ; elle se l’approprie sur-tout quand elle est dissoute : 5°. que les vins fûtés ont plus de tendance à la pousse qui est le