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de violens purgatifs, telles que le jalap, la coloquinte, la colchique, l’oignon de scille, l’ellébore, le diagrede, la gomme gutte, l’euphorbe, la résine de jalap, &c. Il est prouvé, par l’expérience, que ces substances données seulement à une dose proportionnée à la grandeur & au tempérament de l’animal, causent presque toujours au cheval l’inflammation de l’estomac à l’endroit de l’orifice du duodénum, au bœuf & à la brebis, l’inflammation de la caillette ; ce qui prouve, d’une manière évidente, qu’on ne doit pas toujours attribuer les mauvais effets des purgatifs à la grande sensibilité des gros intestins du cheval & de la panse du bœuf, mais à l’inflammation de la portion duodénale de l’estomac du cheval, ou à l’inflammation de la caillette du bœuf & de la brebis.

Traitement. Un animal a-t-il avalé une substance vénéneuse du règne végétal, empressez-vous de lui administrer en breuvage & en lavement, une grande quantité de fluide mucilagineux ou huileux, tel que l’eau blanche, l’eau miellée, la décoction de racine de guimauve, le lait, l’huile d’olive récente ; faites une saignée à la veine jugulaire plus ou moins considérable, suivant la quantité & la qualité du sujet ; gardez-vous d’imiter les maréchaux qui ont coutume de donner à l’animal empoisonné beaucoup de thériaque, de l’orviétan, du vin avec l’ail, de l’eau-de-vie & des purgatifs, qui l’obligent de marcher & de courir, & qui l’enveloppent de couvertures de laine pour le faire suer.

Le poison est-il composé d’une substance métallique unie avec un acide ? De l’arsenic, par exemple, l’alkali fixe mis en solution dans une grande quantité d’eau miellée, décomposera le sel métallique, & empêchera ses mauvais effets : l’eau de chaux, la magnésie, & plusieurs autres espèces de terres calcaires, produiront le même effet, mais un peu plus lentement. M. Navier, médecin à Châlons, qui s’est occupé de la recherche des contre-poisons de l’arsenic, a trouvé une matière qui se combine avec cette substance, par la voie humide, la sature, & détruit la plus grande partie de ses propriétés. Cette matière est le foie de soufre calcaire ou alkalin, & mieux encore, le foie de soufre qui tient en dissolution un peu de fer. En versant cet hépar martial dans une dissolution d’arsenic, le foie de soufre se décompose sans exhaler aucune odeur, parce que l’arsenic se combine au soufre avec lequel il fait de l’orpiment, & il s’unit en même temps au fer. Ce médecin prescrit un gros de foie de soufre dans une pinte d’eau, qu’il ordonne de prendre par verrées aux personnes empoisonnées : on peut aussi leur donner cinq à six grains de foie de soufre sec en pilules, & par-dessus chaque pilule un verre d’eau chaude. Lorsque les premiers symptômes sont dissipés, il conseille l’usage des eaux minérales sulfureuses ; l’expérience lui a fait connoître qu’elles sont très-propres à détruire les tremblemens & les paralysies qui suivent ordinairement l’effet de l’arsenic, & qui mènent à la phtysie & à la mort. Ne pourroit-on pas employer le même procédé, relativement aux animaux, en en proportionnant la dose à la grandeur & au tempérament de l’espèce de chacun d’eux ?