Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/503

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s’accroissent : au commencement les oreilles, les cornes & les narrines sont froides, mais bientôt après elles acquièrent une chaleur considérable ; quelquefois on voit le bœuf rendre par l’anus une matière musqueuse, sanguinolente & uriner souvent ; le cheval est encore plus agité ; il regarde souvent son ventre, de même que le bœuf ; il gratte la terre avec les pieds de devant ; il reste couché lorsque le mal a fait du progrès ; l’agitation du corps & des extrémités augmente ; il soupire, il bat des flancs, il urine & fiante difficilement, à moins que la matière avalée ne soit purgative, ou n’ait pénétré dans les intestins.

Les substances vénéneuses introduites dans les premières voies des bestiaux, se tirent ou du règne végétal, ou du règne minéral, ou du règne animal : le règne végétal est celui des trois qui fournit le plus grand nombre de poisons ; mais de quelque règne que viennent les substances vénéneuses, elles doivent agir différemment sur les premières & les secondes voies des bestiaux. On a encore observé que la même substance vénéneuse produit différens symptômes, suivant l’espèce d’animal ; & rien ne démontre plus combien ces substances doivent agir différemment sur chaque espèce de bestiaux, que les diverses expériences faites par un des plus célèbres naturalistes sur les végétaux qui se trouvent dans les pâturages ; en présentant, par exemple, au bœuf, au cheval, à la brebis, à la chèvre & au porc, diverses espèces de plantes, il a observé que telles plantes nuisibles aux chevaux, étoient salutaires aux bœufs, ainsi qu’à la chèvre & au porc ; que telle plante dévorée au printemps, étoit rejetée en automne, & que la disposition de l’animal faisoit varier son goût ; par exemple, lorsque les vaches allaitent, elles mangent les tithymales qu’elles refusent en d’autres temps. En général, les bœufs, les chevaux & les brebis rejètent les plantes aquatiques, & les plantes amères & âcres ; les porcs, au contraire, sont friands de plusieurs plantes aquatiques ; les brebis mangent avec plaisir un grand nombre de plantes aromatiques ; les chèvres, plus délicates qu’on ne se l’imagine communément, aiment beaucoup les bourgeons, les sommités & les fleurs des plantes ; les bourgeons du chêne, de l’orme, & de plusieurs autres arbres, sont leurs mets délicieux ; la brebis ne mange que les feuilles, & pâture près de la racine que souvent elle détruit : la ciguë fait mourir les vaches, & sert de nourriture aux chèvres ; l’aconit ne fait aucun mal aux chevaux, tandis qu’il fait périr les chèvres. C’est l’odeur & la saveur des plantes qui déterminent les bestiaux à choisir les plantes utiles, & à rejeter celles qui sont nuisibles ; mais il ne faut pas croire que toutes les plantes pour lesquelles ils répugnent, soient capables d’enflammer les estomacs ou les intestins. Parmi les plantes nuisibles, les unes mangées à une dose médiocre, fatiguent les bestiaux ; mais elles ne leur causent point la mort ; les autres, en petit nombre, sont réellement vénéneuses : elles enflamment pour l’ordinaire les estomacs ou les intestins, & font quelquefois mourir l’animal. Nous pouvons ranger dans cette dernière classe les substances végétales que l’on a regardées comme