Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/559

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II.

Si on laisse à la matière purulente le soin de se frayer une route au dehors, c’est exposer l’animal aux dangers qui peuvent résulter de ses progrès intérieurs ; c’est accorder à cette humeur le tems de creuser des sinus, des clapiers, de produire des callosités qui suivent des fistules, de faire une impression funeste sur des parties tendineuses, aponévrotiques qui seroient le siège de la tumeur, ou sur des organes délicats que cette même tumeur avoisineroit ; c’est lui ménager les moyens, en cas de malignité, de porter la contagion dans la masse.

III.

Les circonstances où nous abandonnons l’humeur contenue dans l’abcès, à elle-même, & où nous lui permettons de se procurer une issue, en nous réservant néanmoins toujours le droit de juger de son action & d’en prévenir l’effet, sont donc rares. Elles se bornent en général à celles des dépôts légers & superficiels, des abcès situés dans des parties glanduleuses & peu sensibles, de tous ceux dont la base zénitente, ainsi que nous l’observons régulièrement, par exemple, dans les javarts, (voyez ce mot) ne sauroit être ramollie que par le séjour du pus, ce maturatif le plus énergique & le plus puissant de tous étant d’ailleurs l’unique agent capable de détruire dans les corps glanduleux, dénués en partie de substance cellulaire, les brides qui séparent les différens foyers, et de les réunir en un seul.

IV.

Nulle différence ne frappe les yeux de l’artiste vétérinaire, fixés sur une plaie dans laquelle la suppuration commence & sur un abcès qui vient d’être ouvert. On voit dans l’un & dans l’autre de ces ulcères un fluide blanchâtre plus ou moins inégal, épais & gluant, mais toujours destructif, fourni par les humeurs qui engorgent les vaisseaux & leurs interstices, & on ne peut espérer ni la régénération, si toutefois on peut l’admettre, ni la réunion à laquelle les efforts & les vœux de l’artiste doivent tendre, qu’autant qu’il en aura tari la source, en opérant un dégorgement entier, & la fonte d’une multitude de petits canaux qui ont été dilacérés. Alors à l’écoulement de ce fluide succédera l’abord d’un suc favorable, fourni par des tuyaux qui étoient hors d’état de le charrier, attendu la pression qu’ils éprouvoient de la part des autres vaisseaux obstrués.

V.

Ce suc n’est autre chose qu’une lymphe balsamique & douce ; il n’est ni grumeleux, ni fétide. La couleur en est constamment blanche ; mais de tous les signes, qui annoncent sa présence, il n’en est pas de plus certain & de moins équivoque, que les mamelons charnus qu’on apperçoit dans le fond de l’ulcère, & qui bientôt le rempliroient, si cette lymphe couloit sans altération ; si cs même fond n’étoit pas dans des pansemens longs, fréquens & faits sans attention par les maréchaux de la campagne, soumis à l’impression d’un air froid, qui fronçant & crispant sensiblement ces petits tuyaux d’où part le suintement, y condenseroit trop tôt la substance nourri-