Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/57

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Supposons encore que ce banc de terre ait une certaine épaisseur, & qu’il ait été traversé par des racines d’arbres ou par celles de quelques plantes pivotantes, jusqu’à la profondeur, par exemple, de cinq ou six pieds. Ce banc supposé d’égale couleur, me laisse découvrir, lorsque je l’examine, une couleur plus brune dans la partie de terre qui environnoit auparavant la racine, & cette couleur a quelquefois un à deux pouces d’épaisseur. Cette observation ne peut certainement pas manquer d’être faite, si on a des yeux accoutumés à voir. Je demande comment s’est formée cette couleur plus brune dans ce banc supposé de couleur homogène ? sont-ce les eaux qui ont dissous la terre végétale & l’ont entraînée dans l’intérieur du banc ? Si cela étoit, la couleur brune seroit répandue également dans le banc. Elle se manifeste, il est vrai, dans la partie supérieure, mais non pas à la profondeur indiquée. Dans ce cas, l’extérieur de la racine a-t-il servi de conducteur à ces eaux chargées de parties colorantes ? Cela peut être ; mais il est bien plus probable que cette couleur est due à la matière rejetée de l’intérieur de la plante en dehors, par les sécrétions qui s’exécutent autant par les racines que par les branches de l’arbre, ou simplement par les feuilles de l’herbe. Ces sécrétions ont commencé à produire de la terre végétale, & la dissolution de la partie colorante surabondante dans l’écorce de la racine, & quelquefois dans sa propre substance, pénètre la terre voisine. Il est de fait que les racines pivotantes des plantes herbacées colorent beaucoup plus que celles des arbrisseaux & des arbres. Je trouve donc déja que, par le secours des racines & de leurs sécrétions, il se forme une portion de terre végétale dans la portion imprégnée de parties colorantes. Mais si on suppose une multiplicité de racines, il y aura donc un changement de couleur, de rougeâtre, par exemple, en brun, comme on le voit après la seconde ou troisième année qu’un semblable terrain a été semé en pré, & comme on l’observe encore très-bien à la superficie supérieure du banc dont on a parlé, jusqu’à l’endroit où les racines des plantes ont cessé de s’enfoncer. Pour prévenir toute objection, je dis que cette terre végétale que j’indique, est en petite quantité fie ne suffiroit pas à la nourriture d’une semblable racine, si elle s’étendoit dans la même place & dans la même direction. Le point est que la terre a changé de couleur, qu’elle a perdu de sa ténacité, & que quand même cette racine n’auroit pas servi jusqu’à ce moment à former de la terre végétale & elle auroit toujours produit un très-bon effet, celui de rendre la terre plus perméable à de nouvelles racines. C’est aussi le point où je voulois venir. Si actuellement on suppose, non pas l’éboulement du terrain, mais la destruction de l’arbre ou de la plante qui a fourni les racines supposées, leurs débris qui restent en terre, & personne ne le niera, sont un réservoir de terre végétale, & de tous les matériaux de la séve, qui n’attendent plus que le moment de servir à la nouvelle végétation de quelques plantes.

Le fait que je viens de prendre