Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/580

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seulement de l’air, qui peut être utile, ou même nécessaire à l’économie végétale.

Plusieurs expériences prouvent incontestablement que les bois même assez durs peuvent être traversés par les liqueurs, suivant la direction de leurs fibres. Il suffit d’en rapporter ici une bien concluante. M. Halles coupa, au mois d’août, un bâton de pommier de trois pieds de longueur, sur trois quarts de pouce de diamètre. Il adapta, à l’un des bouts de ce bâton, un tuyau de verre de neuf pieds de longueur & de six pouces de diamètre, qu’il eut bien soin de cimenter. Il remplit ensuite d’eau ce tuyau. L’eau ne tarda pas à baisser promptement ; elle traversa le bâton, & on la vit tomber par gouttes dans une cuvette de verre dans laquelle elle étoit reçue ; ensorte que, dans l’espace de trente heures, il pissa six onces d’eau à travers ce bâton. Il est donc incontestable que les liqueurs traversent la substance du bois, quand elles sont déterminées par une pression assez forte ; mais cependant on pourroit encore douter que ces liqueurs suivissent la route de la sève. On pourroit même, avec quelque fondement, soupçonner que, dans ces expériences, elles passent plutôt par les grands pores dont on en voit les extrémités sur la section d’un morceau de bois, & qu’on croit communément ne contenir que de l’air.

En effet, Malpighi qui, lui-même admet des vaisseaux dans les plantes, semble penser que les ouvertures dont on vient de parler, ne sont que les extrémités des vaisseaux à air, ou des trachées qu’il regarde comme les poumons des plantes. Grew est du même sentiment, avec cette différence, qu’il croit que dans la saison où la sève est la plus abondante, alors elle remplit ces mêmes vaisseaux : ainsi, il semble que cet auteur pense que ces vaisseaux font tantôt l’office de vaisseaux destinés à porter la sève, & tantôt l’office de vaisseaux à air… Mariotte, non-seulement admet des vaisseaux dans les plantes, mais il prétend encore y avoir observé des valvules qui s’opposent au retour des liqueurs. Au reste, ceux qui ne veulent point admettre de pareils vaisseaux, se fondent encore sur ce qu’il ne sort point de liqueurs de toutes les parties de la section d’un morceau de bois, même dans le temps de la sève ; ce qui devroit arriver, disent-ils, si la substance ligneuse étoit formée d’une agrégation de vaisseaux : bien plus, ajoutent-ils, si l’on presse une rave, un radis, un navet, on en voit sortir un peu de liqueur ; mais cette liqueur rentre, & elle est absorbée aussi-tôt que l’on cesse la pression ; ainsi que l’eau qu’on exprime d’une éponge y rentre, quand on laisse cette éponge en liberté.

Malpighi & Grew conviennent de ces faits ; mais ils en attribuent la cause à la grande finesse des vaisseaux. En effet, puisque l’eau monte au-dessus de son niveau dans les tuyaux capillaires que font les émailleurs, & qu’elle y reste sans en sortir, combien l’adhérence ne doit-elle pas être plus grande dans a plupart des vaisseaux des plantes, qui sont infiniment plus capillaires que ceux qu’on peut faire par art ? Je dis la plupart, en parlant des vaisseaux, parce que j’en excepte les vaisseaux