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voyages seroient infiniment plus utiles que les conquêtes les plus brillantes, qui coûtent la vie à des milliers d’hommes, pour lesquelles on dépense des richesses immenses, & qui sont presque toujours le sujet de nouvelles guerres.

CHAPITRE II.

Observations générales sur la pureté de l’air dans l’éducation du ver à soie.

L’éducation des vers à soie, faite en Europe, est bien différente de celle qu’ils reçoivent dans l’Asie. Dans notre climat, nous avons réduit cet insecte à un état de domesticité, absolument nécessaire pour profiter avec avantage de son travail. Continuons d’observer cette méthode. L’éducation champêtre ou en plein air, n’a jamais réussi. Indépendamment du climat, ou de la température de l’air que nous ne pouvons pas changer, les vers à soie seroient exposés à bien des accidens, qui les détruiroient en grande partie, & peut-être entièrement.

Ce qui a porté à faire des expériences sur l’éducation en plein air, c’est qu’on la pratique en Chine. Mais il faut observer que l’espèce de vers à soie, ainsi élevée, n’est pas celle pour laquelle nous travaillons, & que les Chinois eux-mêmes soignent comme nous. Ces sortes d’expériences n’ont eu aucun succès. Il nous faudroit l’espèce de ver, & l’arbre qui le nourrit, & peut-être réussirions-nous mal dans notre climat.

L’éducation du ver à soie, doit avoir pour base le plus grand rapprochement possible des lois de la nature. En plein champ, il respire à son aise un air pur qui se renouvelle à tout moment. La conformation de son corps prouve ce besoin ; il a une multiplicité de stigmates destinées à faire passer l’air aux poumons ; mais cet air si souvent inspiré & respiré, se vicie par les exhalaisons dont il se charge dans son passage. Il est prouvé par un grand nombre d’expériences que l’air respiré par les animaux se corrompt tellement, qu’il les fait mourir, s’ils sont obligés de le respirer continuellement. C’est un air impur ou méphitique (consultez ce mot), d’autant plus dangereux, qu’il y a long-temps qu’il n’a point été débarrassé des vapeurs dont il s’est chargé.

L’air qui entre dans nos poumons, n’est pas absolument pur, quoiqu’il soit propre à être inspiré. Celui des villes & des plaines n’a qu’un quart d’air pur ou déphlogistiqué ; les trois autres quarts sont un air phlogistiqué ou méphitique, c’est-à-dire, mortel.

En entrant dans un atelier de vers à soie, on peut juger par soi-même & par la difficulté qu’on a de respirer, combien l’air intérieur y est altéré. Deux causes principales y concourent : 1°. l’air inspiré & respiré par les vers, & la transpiration de cette multitude d’insectes renfermés dans un petit espace ; 2°. la putréfaction de leurs excrémens & des feuilles donne l’air mofétique, & les autres émanations ou altérations du corps, l’air méphitique. Le premier est le plus dangereux.

J’ai voulu dans le temps me rendre raison, pourquoi les vers, lors de leurs mues, cherchoient autant qu’ils pouvoient, & quand ils n’étoient point dérangés, à se placer sur les bords des