Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/656

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tables. Je soupçonne que c’étoit pour jouir d’un plus grand courant d’air, & plus pur que celui qu’ils respiroient dans le milieu. Cette observation étoit encore plus frappante sur les tablettes inférieures que sur les supérieures, parce que l’air mofetisé & méphitisé, est de beaucoup plus pesant que l’air atmosphérique ; & par conséquent, les vers des tablettes inférieures ont moins de facilité à respirer, que ceux des tablettes supérieures, puisque l’air impur occupe toujours la région inférieure, à cause de sa pesanteur, occasionnée par les vapeurs dont il est surchargé.

Quoique ce raisonnement fût conforme aux lois de la bonne physique, je déterminai à m’en convaincre par l’expérience. À cet effet, je plaçai des vers, après leur troisième mue, au bas d’une haie de mûriers, taillée en charmille & située au midi, afin qu’ils y passassent leur quatrième mue : les vers avoient gagné la sommité de la haie, & ils étoient presque tous sur la partie supérieure taillée horizontalement. Des vers de même âge, de la même tablette, enfin toutes circonstances égales, furent placés sur des mûriers, également taillés en charmille, mais ayant un grand air des deux côtés ; ils firent leur quatrième mue indistinctement au milieu de la hauteur & sur le replat. Dans le premier cas, le grand air leur manquoit donc, puisque tous gagnèrent le haut pour respirer plus à leur aise. Dans le second, il étoit donc suffisant, puisque tous muèrent à la place qu’ils occupoient lorsque la mue commença. Il est donc clair, & comme la nature l’indique eu donnant plusieurs stigmates aux vers à soie, qu’ils ont besoin de beaucoup d’air libre, parce qu’ils en inspirent & respirent une grande quantité. Il suit de ce principe, qu’il est important d’éloigner de l’atelier tous les objets capables de vicier l’air, & qu’il doit être tenu avec propreté. Il faut, par une suite de ce même principe, renouveler l’air très-souvent. Presque toutes les maladies accidentelles que les vers à soie éprouvent, proviennent de cette cause, c’est-à-dire, d’un air vicié & corrompu.

M. Tenon, dans ses recherches sur la cause de la plus ou moins grande mortalité des malades dans les hôpitaux, a reconnu & démontré, que l’hôpital où il périssoit le moins de malades, étoit celui où chaque individu avoit sept toises cubes d’air à respirer. Concluons maintenant du grand au petit, & dans l’éducation des vers à soie, ne perdons jamais de vue ce principe. La nature a donné au ver à soie un grand nombre de stigmates pour respirer. Cet insecte a donc besoin d’une grande quantité d’air ; mais comme il se vicie par l’usage, il est donc très-nécessaire de le renouveler, afin qu’il soit plus pur.

On vient d’établir le principe général, qui doit être le guide des personnes sensées, dans l’éducation du ver à soie. Maintenant, que doit-on penser des éducations faites dans des rez-de-chaussée, dont les planchers sont très-bas, qui ne sont éclairés que par de petits larmiers placés sur un seul côté, & où souvent l’air & la lumière n’entrent que par la porte ? de ces rez-de-chaussée humides, où le feu qu’on y fait attire une grande masse d’humidité ? de