Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cellent fourrage est si recherché, qu’on n’est pas dans l’usage de le fener. On en fait mûrir quelques plantes de temps à-autre-pour se procurer la semence.

Après la récolte du sulla, qui dure dans ce pays jusqu’à la fin de juin, on laisse reposer la terre jusqu’en automne, alors elle est labourée suivant la méthode ordinaire, pour être ensemencée en grains, & la moisson est à peu près plus riche dans les champs qui ont été sullés. Il suffit qu’après la moisson on mette de nouveau le feu au chaume, pour que, sans autre culture, dans le mois de novembre suivant, le sulla recouvre de nouveau le champ, après avoir été pendant une année entière, pendant la culture & la récolte du blé, caché dans le sein de la terre, sans nuire le moins du monde à la qualité de ce dernier & sans qu’il en ait paru un indice à fleur de terre avant le mois de novembre de l’année de repos ou de jachère, où le sulla germe & croît avec le même succès que la première année où il fut semé. C’est ainsi que des champs une fois sullés donnent pendant l’espace de quarante années successives & au-delà, régulièrement & alternativement de deux années l’une, une récolte abondante de sulla, & l’autre, une moisson du plus beau blé, sans que, pour conserver une prairie si singulière, il faille d’autres soins que de répandre la graine dans la première année & de la manière indiquée ci-dessus.

On peut, après avoir récolté le sulla, donner un labour au champ afin de le préparer pour les semailles de blé. On a essayé à Malthe de le laisser jusqu’à la seconde année ; mais il a rarement repoussé, & tous les cultivateurs assurent unanimement qu’il ne produit jamais une troisième récolte.

Une des circonstances les plus remarquables de la fécondité de cette plante dans les champs de la Calabre, est celle de sa durée presque incroyable après qu’elle a été une fois semée, quoique de deux années l’une, alternativement, la racine de sulla repousse de sa propre force & rende de nouveau un fourrage abondant : cette circonstance paroît contredite par la culture de Malthe.

La graine germe facilement en Languedoc & dans le Lyonnois & même en Suisse, après quinze ou vingt jours, & souvent plutôt, si la chaleur est à un degré convenable ; ce qui paroît confirmer le soupçon que le retard de sa végétation dans la Calabre depuis le mois de juillet jusqu’en novembre, a moins sa cause dans la nature de la graine même, que dans les défaut d’humidité des terres pendant cette saison.


Section III.

Peut-on admettre en France la culture du sulla.

L’expérience que j’avois faire dans le jardin de l’école vétérinaire de Lyon, m’avoit prouvé depuis très-long-temps qu’il falloit placer le sulla dans l’orangerie afin de le garantir des rigueurs de l’hiver, & que deux ou trois degrés de froid le faisoient périr. Vingt ans après j’essayai en Languedoc d’en cultiver un certain nombre de pieds dans mon jardin, & j’ai continué ces essais pendant trois années consécutives. J’étois obligé de renfermer ces plantes dans un jardin, parce que dans ce pays, où les