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bétail la mange avec moins de plaisir. C’est au cultivateur intelligent à saisir le moment favorable[1]. Lorsque cette plante est coupée on la laisse sécher & on la bottelle ainsi qu’il a été dit du soin à l’article Prairie.

Pour avoir sa provision de graines de semence, on laisse sur pied une certaine quantité de sulla dans le coin d’un champ, & on attend qu’il soit bien mûr, ce que l’on reconnoît lorsque la graine est prête à se détacher d’elle-même de la plante. La récolte s’en fait avant le soleil levé, afin d’éviter la chute de la graine.

La réussite de cette plante dépend 1°. déja qualité du sol ; 2°. de la manière d’être de la saison ; 3°. principalement de l’attention soigneuse de détruire les mauvaises herbes, depuis l’instant de sa végétation. S’il pleut avant le mois d’octobre, le succès est complet ; sans pluie, la plante reste languissante. Le sulla craint beaucoup le froid, même les petites gelées ; s’il en est préservé, une prairie artificielle de cette nature subsiste en bon état pendant plusieurs années consécutives.

2. Culture dans la Calabre. Je préviens le lecteur que cet article va être extrait de la collection des Mémoires publiés par la Société économique de Berne, & il a été communiqué par M. le marquis Dominique Grimaldi.

Les habitans du territoire de Seminara, dans la Calabre ultérieures, forment des prairies artificielles avec la plante nommée sulla. C’est, parmi les Cultivateurs de ces cantons, une opinion fondée sur une pratique suivie depuis un temps immémorial, que cette plante ne réussit que dans une terre forte, crétacée & blanche, la plus propre, quand elle est bien préparée, à produire des grains de la plus belle qualité. C’est dans les seuls champs de cette espèce que le sulla se sème suivant une méthode qui paroît extravagante, puisqu’après les moissons faites au commencement de juillet, la graine est jetée au hasard par-dessus le chaume, auquel on met le feu le lendemain, sans y apporter après cela aucune espèce de soin ni de culture.

Cette graine recouverte seulement par les cendres des chaumes brûlés, pénètre d’elle-même dans la terre, & commence à végéter au mois de novembre, quatre mois après avoir été semée. Chaque pied produit plusieurs tiges qui croissent lentement pendant tout l’hiver, mais au retour du printemps la terre se trouve couverte de la prairie la plus épaisse & la plus agréable qu’on puisse voir. Si le mois d’avril est un peu pluvieux, les plantes s’élèvent jusqu’au dessus de la hauteur d’un homme. On peut commencer à faucher la plante au mois de mai, dans le temps même de sa fleur ; alors on la donne en vert aux chevaux & aux mulets, qu’elle purge & engraisse dans peu de jours. Cet ex-

  1. J’ai observé que cette plante étoit dans son état parfait au moment où elle donnoit ses premières fleurs. Si on attend que toutes ses fleurs, ou une grande partie soit passée, il y aura à cette époque un grand nombre de graines très-formées, & les tiges deviennent dures. En Languedoc, sa floraison se continue pendant près d’un mois.