Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/674

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les cueilleuses entassent les feuilles dans des sacs, à mesure qu’elles les ramissent ; que ces feuilles passent ainsi la journée entière ; que ces sacs pleins, sont tenus au gros soleil ; enfin que le soir arrive, ils sont amoncelés sur une charrette, fortement assujettis & pressés par la corde de la charrette, afin qu’ils ne tombent pas dans la route. Voilà donc, pendant près de douze heures, des feuilles comprimées, froissées, meurtries. Quelle détérioration n’éprouveront+elles donc pas encore, si pendant la nuit on les laisse dans le sac ? J’ai vu de ces feuilles tellement échauffées, qu’on tenoit avec peine la main dans leur sac. Le paysan attribue cet échauffement, ainsi que les maladies des vers, qui en sont la suite nécessaire, à sort, à maléfice, jetés par de méchantes gens ; & c’est leur ignorante & leur manque de prévoyance qui font l’office des méchantes gens. Cueillez avec les précautions indiquées ; transportez d’une manière ou d’une autre, en comprimant & froissant les feuilles le moins qu’il sera possible ; enfin, sans perdre un seul instant, qu’elles soient étendues & remuées de temps à autre dans un lieu pas trop sec, afin qu’elles conservent leur souplesse & leur fraîcheur. Tel est le point essentiel, qui préviendra presque toutes les maladies des vers.

Tant que la saison est sèche, le rez-de-chaussée de l’atelier suffit à la dessiccation & entretien convenable des feuilles. Mais lorsque la feuille a été cueillie mouillée, ou lorsque les pluies continuent, ou lorsqu’enfin l’air atmosphérique est trop chargé d’humidité, il convient alors, dès qu’elles arrivent des champs, de les transporter dans l’étage supérieur de l’atelier proprement dit, ou grenier, & de les y étendre ainsi qu’il a été dit ; & que chaque couche de feuille soit la moins épaisse qu’il est possible. C’est dans ces cas surtout, qu’il convient d’établir un feu vif & clair dans l’une des deux cheminées, de fermer presque toutes les portes & fenêtres, & de ne laisser ouverte que la seule porte qui correspond à l’escalier, surtout si elle est placée à l’extrémité correspondante à la cheminée. Elle seule établira un grand courant d’air attiré par le feu de la cheminée, elle dissipera bien vite & l’humidité causée par la pluie, & celle causée par la transpiration des feuilles. On peut, afin d’éviter la main-d’œuvre, avoir une ou plusieurs trappes, communiquant du grenier à l’atelier, par lesquelles on y feroit tomber les feuilles sur des filets, & les magnonières la distribueroient ensuite aux vers. Les fenêtres multipliées dans ce grenier, ouvertes ou fermées à propos, deviendront de bons ventilateurs, lorsque l’air extérieur ne sera pas absolument trop humide.

CHAPITRE V.

Section Première

Du choix de la graine.

Les Auteurs sur l’éducation des vers à soie ne sont pas d’accord sur cette question : Faut-il se procurer chaque année de la graine étrangère, telle que celle d’Espagne, de Piémont & de Sicile ; ou employer celle de ses propres vers à soie ? L’expérience a prouvé 1°. que la graine d’Espagne & d’Italie, réussit très-bien à la troisième & quatrième année seulement. 2°. Que la graine du pays, provenant d’une bonne éducation,