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réussit aussi fort bien. Mais si les circonstances rendent l’éducation mauvaise, la graine qu’on obtiendra sera d’une mauvaise qualité : alors il est à propos de la changer, ou pour mieux dire de s’en procurer de l’étranger, ou du pays même, si l’éducation a été meilleure que chez soi.

Il faut observer que le commerce de la graine de vers à soie est exposé à quelques friponneries, lorsqu’on n’a pas des correspondans fidèles. En voici une, parmi bien d’autres. Ceux qui achètent des cocons pour les faire filer, en séparent les blancs pour les vendre aux fabricans de fleurs artificielles. Avant de les livrer, & afin qu’ils fassent moins de volume, ils les coupent en deux, enlèvent la chrysalide, & la placent dans un endroit chaud où elle se change en papillon, & pond ensuite les œufs. Il est aisé de comprendre que cet insecte contrarié dans sa marche naturelle, a souffert ; sa génération doit donc s’en ressentir. Il ne faut pas s’en rapporter aux marchands de cocons pour avoir de la graine ; ils ont grand soin d’en offrir aux pauvres habitans des campagne, parce que s’ils faisoient grainer chez eux, ils choisiroient les meilleurs cocons, & le marchand n’y trouveroit pas son compte. D’ailleurs, il est intéressé à vendre la graine qu’il a des cocons blancs & des autres qui percent malgré ses soins.

Autrefois une once de graine produisoit quatre-vingts ou cent livres de cocons. Dix livres de cocons & douze au plus, donnoient une livre de soie. Aujourd’hui à peine a-t-on trente ou quarante livres de cocons, d’une once de graine, & il faut quinze ou seize livres de cocons pour une livre de soie. Cette différence provient en grande partie du mauvais choix de la graine. Ainsi je ne saurois trop recommander aux personnes qui font des éducations de vers à soie, de faire grainer chez elles, en choisissant les meilleurs cocons. Je parlerai de ce procédé à la fin de ce travail.

La bonne graine a une couleur d’un gris foncé & ardoisé ; quand on l’écrase entre les ongles des deux pouces, elle cède avec bruit & pétillement ; il en sort une humeur visqueuse & transparente. Ainsi une graine écrasée sans pétillement & sans qu’il en sorte une liqueur visqueuse, est mauvaise.

Voici encore un autre procédé pour connoître si la graine est bonne, & pour la séparer de celle qui est mauvaise. Ayez un vase plein d’eau aux deux tiers, versez doucement votre graine. Celle qui sera bonne ira au fond, étant bien remplie de liqueur visqueuse ; la mauvaise étant vide surnagera. Enlevez la mauvaise, & versez la bonne sur un linge suspendu, que vous aurez préparé pour cet effet. Faites-la sécher promptement, en la faisant passer successivement sur différens linges doux & secs, jusqu’à ce que toute l’humidité soit bue par les linges. Pour être plus certain qu’elle sera bien sèche quand on la mettra couver, on peut la laisser pendant deux ou trois jours se ressuyer sur des linges, qu’on change toutes les douze heures. Il est très-essentiel qu’elle soit parfaitement sèche, lorsqu’on la mettra dans les nouets ou dans les boîtes ; autrement l’humidité jointe à la chaleur, amèneroit la fermentation, & la couvée seroit perdue.