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Ses progrès sont donc retardés, par le défaut d’une bonne nourriture, ou qui n’est pas assez abondante. Par conséquent, lorsque la feuille rouillée n’auroit pas d’autre défaut que celui de ne pas nourrir suffisamment les vers, & de les retarder, il suffiroit pour qu’on dût se dispenser de la leur donner.

S’il survient de la pluie après quelques taches de rouille, elles sont délavées, & la feuille continue à prendre son accroissement, sans que la rouille fasse d’autres progrès. Dans cet état on peut la donner aux vers. Afin qu’ils ne souffrent pas, il faut multiplier les données, ou les faire plus fortes, parce que la feuille rouillée n’est point aussi substantielle que celle qui ne l’est pas. D’ailleurs, à volume égal, le ver a moins à manger, puisqu’il laisse la partie rouillée, qui est dure & presque sans suc.

Quand on a la prévoyance d’avoir plus de mûriers qu’on a de vers à nourrir, on peut se dispenser de leur donner de la feuille rouillée, parce qu’il est rare que tous les arbres en soient attaqués, quand même ils seroient dans le même canton. Toutes choses égales d’ailleurs, il faut rejeter la feuille rouillée, si on peut en avoir d’autre. Au reste on ne peut pas dire que la feuille rouillée occasionne aucune maladie aux vers ; son seul inconvénient est de n’être pas une nourriture assez substantielle, & qu’au lieu d’un sac de feuille, qu’on donneroit aux vers, & qui seroient bien nourris, souvent deux ou trois de feuille rouillée, ne suffisent pas. Voilà par conséquent un surcroît de dépense en feuilles & en journées pour la cueillir. Dans une grande éducation il faut tout calculer.

CHAPITRE VIII.

De la manière de gouverner les vers à soie dans leurs différens âges.

Section première.

Conduite des vers depuis leur naissance jusqu’à la première mue, ou premier âge.

Aussitôt que le ver est sorti de sa coque il cherche à manger : c’est pour cette raison qu’il fait des efforts, pour se tirer de la gêne où il est au fond des boîtes, & qu’il tâche de gagner le papier percé, dont la graine est couverte. Lorsqu’il est bien conduit, par une chaleur douce & modérée, il mange, dans la journée une quantité de feuilles dont le poids égale celui de son corps. Mais comme son appétit augmente en raison de la chaleur qu’il éprouve, il mange davantage lorsque le degré de chaleur est plus fort. Voilà ce qu’a éprouvé M. Boissier de Sauvages dans son éducation hâtée, ainsi que je l’ai dit plus haut. Il est donc très-important, dans tous les âges du ver, d’observer le degré de chaleur de l’atelier, afin de se régler pour les données.

Dans les premiers jours de la naissance des vers, choisissez la feuille la plus tendre, par exemple, celle de la bourrette de mûrier, ou des jeunes sauvageons. N’en cueillez, pour ainsi dire, que pour le besoin du moment. Cette feuille tendre se flétrit promptement, & dans cet état le ver la dédaigne. Si vous faites la pro-