Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/693

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vrai & démontré, par l’expérience, que les excrémens des vers devenus fluides & dysentériques, ont une prompte tendance à la fermentation putride, & qu’il résulte de cette putridité, qu’une plus grande quantité d’air atmosphérique de l’atelier est fortement viciée. Dès qu’on s’aperçoit que les excrémens des vers sont fluides, il faut renouveler l’air de l’atelier, par les procédés déjà indiqués, & changer la litière.

Si on a de l’eau courante, on place les feuilles dans des corbeilles, pour les laver à grande eau. Elle suffira pour dissoudre & entraîner le miellat qui est sur les feuilles de mûrier ; si on n’a pas une eau courante, on trempe les feuilles dans des baquets, à plusieurs reprises, en ayant attention de changer l’eau. Aussitôt que le lavage est fait, on étend les feuilles sur des draps à l’ombre, où elles égouttent pendant quelques minutes ; ensuite on les porte dans le grenier où on les étend au large, & on a soin d’ouvrir les fenêtres, afin d’établir un prompt & fort courant d’air. Lorsqu’on n’a pas de grenier, on étend les feuilles à l’ombre & au courant de l’air ; on les agite de temps en temps, en prenant les coins des draps sur lesquels elles sont, pour les secouer. Par ce moyen, celles du fond viennent en dessus ; l’on répète cette opération, jusqu’à ce que la feuille soit sèche, & en état d’être transportée au magasin.

On suit communément une autre méthode, mais le lavage est préférable à tous égards. La voici. On amoncelle dans des sacs la feuille miellée, & même on l’y presse beaucoup. Dans cet état, elle fermente promptement. L’air fixe qui s’en dégage, ainsi que les autres causes de la fermentation, concourent à dissoudre le miellat. Aussitôt que le miellat est détaché par la fermentation, on porte les feuilles dans un endroit frais, bien aéré ; on les étend & on les remue, jusqu’à ce qu’elles ayent perdu l’odeur de la fermentation.

Une feuille de cette sorte a subi deux altérations, celle du miellat & celle de la fermentation : elle est donc plus mauvaise que si elle n’en avoit subi qu’une. En séchant, elle n’acquiert pas ce qu’elle a perdu par l’évaporation à la suite de la fermentation. Le lavage est donc préférable, puisqu’il n’altère pas la qualité de la feuille, au moins d’une manière aussi sensible.

Quoi qu’il en soit de toutes ces méthodes, il est hors de doute que la feuille miellée nuit aux vers d’une manière très-pernicieuse ; par conséquent il vaut mieux les faire jeûner que de leur en donner. D’ailleurs tous les mûriers, quoique dans le même canton, ne sont pas affectés du miellat.

2°. De la rouille des feuilles. (Voyez le 8e. vol., pag. 643.) Les mûriers placés dans un terrein bas, dans des vallées étroites, près des rivières & des ruisseaux, ou dans des champs trop fumés, ont souvent leurs feuilles tachées de la rouille. Le ver à soie a de la répugnance à manger cette feuille tachée par la rouille, à moins qu’il ne soit pressé par la faim. S’il est nourri avec cette sorte de feuille, pendant plusieurs jours, il souffre, il languit, il s’épuise, parce qu’il n’a pas une nourriture assez abondante, eu égard à son appétit. Il ronge toute la partie verte de la feuille, & laisse celle qui est rouillée.