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quantité de la feuille. Il faut avoir une attention scrupuleuse de répandre la feuille également par tout, afin que les vers trouvent à manger facilement, sans être obligés de s’entasser les uns sur les autres. Lorsqu’on apperçoit des clairières, c’est-à-dire des places vides, on y jette des feuilles pour y attirer les vers. Il faut qu’ils soient à leur aise dans tous les âges de leur éducation, & aussitôt qu’on s’aperçoit qu’ils sont trop rapprochés, on jette de la feuille hors de la place qu’ils occupent, afin qu’ils s’y portent.

Dans le premier âge des vers, il n’est pas aussi aisé de les éclaircir que dans les suivans, à cause de la petitesse de leur corps. Voici la manière la plus simple d’opérer cet éclaircissement. Donnez aux vers de la feuille nouvelle, sans être hachée ; si vous avez retardé la donnée d’une demi-heure, ils se jeteront sur cette feuille avec avidité, & dans un instant elle en sera couverte. Alors on prend les feuilles par leurs pétioles & on les place sur d’autres claies. Cette manière est plus expéditive, que celle, de soulever, avec une aiguille à tricoter, la couche de feuilles où reposent les vers. On ne craint pas de les meurtrir, puisqu’on ne les touche point. C’est en éclaircissant les vers, qu’on peut juger de leurs progrès. Plus ils seront à leur aise, mieux ils profiteront. À cet âge ils occupent très-peu d’espace ; ainsi on a toujours plus de local qu’il ne faut pour les étendre.

Le moment de la première mue approche, la nature a pourvu à ce que l’animal acquière la force convenable pour passer heureusement ce temps pénible, en augmentant son appétit pendant 24 heures, & quelquefois un peu plus. Cette disposition à manger est appelée petite-frèze. À la seconde mue, elle dure trente-six heures, à la troisième, quarante-huit, à la dernière, soixante. À cette époque, un repas de plus est nécessaire, & la donnée sera plus forte. Cet appétit extraordinaire étant satisfait, l’insecte a plus de force ; son corps rempli d’alimens, se gonfle, sa eau se détend, & la mue s’opère facilement. (Voyez le commencement de cet article sur le mécanisme de la mue).

Voici ce que dit M. de Sauvages, à l’époque de la mue. « On a diminué la dose des repas à la veille de la mue, & on l’a réglé sur le foible appétit de la plus forte masse des vers, & ensuite sur celui des traîneurs, ou ceux qui sont les derniers à s’aliter. Si l’on n’avoit pas cette attention, les vers les premiers alités se trouveroient entre deux couches de feuilles ou de litière, qui, vu l’humidité qu’elle concentre, ne peut être desséchée que par une forte chaleur, ne peut manquer de moisir, & les vers de s’en ressentir tôt ou tard ».

» Pour éviter de trop épaissir la couche de litière, dès que les deux tiers des vers sont alités, on interrompt tout-à-fait les repas au hasard de laisser en souffrance les traîneurs que l’on sacrifie au plus grand nombre. Ces traîneurs, outre le jeûne forcé qu’ils éprouvent, sont encore exposés à leur tour à être ensevelis sous la litière ; car dès que les premiers vers alités, ou environ les deux tiers du total, se sont dépouillés, on reprend les repas & on leur en sert deux ou trois sur la même place,