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Section III.

Des accidens à craindre à l’époque de la montée.

Voici la question que je me propose d’examiner. Les secousses produites dans l’air par les coups de tonnerre, le bruit occasionné dans le voisinage ou dans l’atelier même, sont-ils capables de faire tomber les vers à soie de la bruyère ? L’opinion la plus commune est, que les secousses occasionnées dans l’air, soit par le bruit du tonnerre, soit par celui des coups de fusil, font tomber les vers de la bruyère ; aussi les habitans de la campagne redoutent-ils les effets du tonnerre, & si les vers ne réussissent pas à la montée, & que le tonnerre se soit fait entendre, ils le regardent comme la seule cause de la perte de leur éducation. Par la même raison, ils évitent avec soin de faire du bruit, par la crainte de déranger les vers dans leur travail.

Mais si l’on consulte l’expérience, l’on se convaincra, que ni le bruit du tonnerre, ni celui d’une forte mousqueterie ne font point tomber les vers, & qu’ils continuent à travailler, comme s’ils étoient dans l’endroit le plus solitaire : voici un fait qui confirme ce que j’avance. Il y a environ trente-cinq ou quarante ans, que chez M. Thomé, grand éducateur de vers, un des premiers qui ait écrit sur la culture des mûriers & l’éducation des vers à soie, nous tirâmes, en présence de plusieurs témoins dignes de foi, plusieurs coups de pistolet, dans l’atelier même, lorsque les vers étoient au plus fort de la montée. Un seul tomba, & il fut reconnu par tout le monde qu’il étoit malade, & qu’il n’auroit pas coconné. Personne ne révoquera en doute le témoignage de M. Sauvages, qui répéta chez lui la même expérience, sans qu’il en résultât aucun effet. L’opinion générale est donc démentie par l’expérience, enfin par des faits absolument contraires à ce qu’elle veut propager.

La secousse occasionnée dans l’air par le bruit du tonnerre, ne nuit donc en aucune manière aux vers qui filent leurs cocons. Mais la fulguration, les éclairs, le bruit, annoncent un amas d’électricité dans l’atmosphère qui se décharge, ou d’un nuage qui en a en sur-abondance, sur un autre qui en a moins ou point du tout ; ou enfin entre des nuages & la terre, jusqu’à ce que l’électricité soit en équilibre dans la masse totale. Cet équilibre ne peut point s’établir, sans que des êtres foibles n’en soient affectés. Ne voit-on pas des personnes dont les nerfs sont délicats ou trop électriques par eux-mêmes, avoir des convulsions & même la fièvre dans pareilles circonstances ? Est-il donc étonnant, que des vers remplis de soie, qui, comme on le sait, devient électrique par le frottement, mais sans transmettre son électricité aux corps qui l’environnent, ne soient cruellement fatigués & tourmentés par leur électricité propre, & par la surcharge qu’ils reçoivent de celle de l’atmosphère ? Si à cette première cause, une seconde vient se joindre, on reconnoîtra évidemment ce qui occasionne la chute des vers, & on ne l’attribuera plus aux secousses pro-