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faut pas me citer nos chenilles indigènes, dont les œufs passent l’hiver en pleine campagne, exposés à toutes les intempéries de la saison, & qui cependant éclosent au printemps ; & dire que les soins minutieux qu’on prend pour conserver la graine des vers à soie sont inutiles. Je répondrois à ce raisonnement : 1°. Après un hiver rigoureux, n’y a-t-il pas moins de chenilles, qu’après un hiver doux ? Le froid a donc fait périr une grande quantité d’œufs. 2°. Le ver à soie n’est pas indigène à notre climat ; il faut donc le rapprocher du sien, & qu’il s’aperçoive peu du changement, si nous ne voulons pas altérer l’espèce. Tout cela doit être un effet de nos soins. 3°. Le ver à soie peut vivre, coconner, se métamorphoser, pondre sur les arbres, dans le pays d’où il est originaire. Dans notre pays, au contraire, il périroit s’il étoit abandonné à lui-même. 4°. Les Chinois, comme je l’ai observé dans le cours de cet article, font des éducations de vers à soie, comme nous ; ils en prennent les mêmes soins. Cependant leur climat est bien plus chaud que le nôtre : leur soie tant vantée, est le fruit des éducations domestiques. Continuons donc d’avoir les mêmes soins, si nous voulons réussir dans nos éducations.

J’avoue, qu’il n’y a qu’une très-forte gelée capable de faire périr le germe des œufs, qui y seroient exposés. Mais sans le faire périr, elle retarde son développement ; & comme tous les œufs ne l’éprouveroient pas également, la couvée seroit très-inégale, ce qui est un grand défaut dans une éducation ; on a beaucoup de peine à le réparer malgré les soins les plus assidus. La chaleur est encore plus dangereuse que le froid, & même que la gelée. Car si la graine venoit à s’émouvoir quand on la met dans les nouets ou dans les boîtes, elle seroit étouffée dès les premiers jours. Pour bien hiverner la graine, il faut se conformer au temps, & la changer de place selon les circonstances, c’est-à-dire, suivant la température qu’on éprouve.

Aussitôt que le temps de la couvée approche, il faut la détacher des morceaux d’étoffe sur lesquels elle est collée. On prend la lame d’un couteau très-mince, & point affilée ; on la passe entre l’étoffe & la graine, qui se détache aisément.

CHAPITRE XIV.

Est-il avantageux de faire plusieurs éducations de vers à soie dans le courant de la même année[1] ?

Il y a trois ans environ qu’un éducateur de vers à soie, nommé

  1. Quelques Auteurs modernes ont avancé qu’en Italie, & surtout dans la Toscane, on étoit dans l’usage de faire deux éducations de vers à soie. J’ai habité ce pays pendant plusieurs années, sans avoir connoissance de ce fait. Je ne me suis pas permis de le nier, & je pouvois cependant le faire sur la réputation dont jouissent les Toscans, d’être bons agriculteurs : mais voici la preuve du contraire, que j’extrais de la Feuille d’agriculture de Florence, n°. 19, du 11 mai 1787.

    « Une bruine hors de saison, ayant détruit en très-grande partie la feuille des mûriers,